Michael Nyman › The cook the thief his wife and her lover

L'art prend parfois de curieux détours avant de terminer sa course folle dans un déluge de sens qui ne le grandit pas toujours pour autant. C'est encore sur base d'un concours de circonstance tout à fait fortuit que la musique de ce film de Peter Greenaway prit peu à peu la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. "Memorial", la marche funèbre qui ouvre ce disque et qui apparaît en bien des endroits tout le long du film, est à la base une oeuvre musicale écrite en hommage aux victimes de ce fameux drame du Heysel qui permit enfin à l'étranger d'associer la Belgique à autre chose qu'à une choppe de bière ou à un plat de frites. Ainsi, sans que cela puisse paraître voulu, "The Cook The Thief His Wife and Her Lover" s'ouvre sur une ambiance singulièrement proche de celle de "Drowning by Numbers". Il s'agit donc là encore d'une musique lente, solennelle, où les cuivres marquent les pas, et les violons matérialisent les larmes qui viennent s'écraser dans un mouchoir de lin. A l'écoute de ce titre, Greenaway y trouva exactement tout ce qu'il attendait de Nyman pour sa nouvelle illustration sonore, et c'est ainsi que "Memorial" fût intégré à l'oeuvre pour ne plus la quitter. Mieux ; c'est sur base de celle-ci que Michael Nyman développa deux nouveaux thèmes ("Book Depository" et "Coupling"), qui véhiculent également ce sentiment d'honneur que la bienséance nous dicte d'adopter dans le malheur. C'est la première fois que Sarah Leonard intègre les rangs du groupe de Micheal Nyman, et on la retrouvera très souvent par la suite ("A Zed and Two Noughts", "Prospero's Books"). Toutefois, le compositeur britannique a opté pour l'ensemble des London Voices pour l'interprétation majestueuse, diaboliquement angélique ou angéliquement diabolique, de son "Miserere". Plus tourmenté et plus lyrique que "Drowning by Numbers", "The Cook The Thief His Wife and Her Lover" est au bout du compte un autre des disques de Micheal Nyman dont la mort s'avère être le thème principal.