Krzysztof Penderecki (b. 1933) › Anaklasis / Thrène pour les victimes d'Hiroshima / Fonogrammi / De natura sonoris n° 1 et 2 / etc.

Difficile de décrire ce que l'on peut ressentir à la première écoute du "Thrène pour les victimes d'Hiroshima" : un déferlement sonore d'une violence incroyable, des sirènes, sifflements, hurlements suraigus, insupportables, atroces. Alors que la tension semble un peu retomber, que la stridence de l'ensemble de 52 cordes laisse place à des sonorités plus étranges (clusters, bois frappé...) mais non moins malsaines, une nouvelle alarme survient, plus terrible encore que la précédente. Penderecki a tenté de donner une bande-son à l'apocalypse nucléaire... difficile après l'avoir écoutée, d'en imaginer une autre, plus expressive, plus terrifiante. Si vous ne pouvez pas concevoir que des instruments à cordes "classiques" puissent dégager une tension plus violente et plus insoutenable que n'importe quel autre type d'instrument, alors jetez-vous sur cette pièce. La démonstration est sans appel. Ce disque regroupe par ailleurs d'autres oeuvres courtes (enregistrées sous la direction du maître en personne), issues de la période la plus expérimentale du compositeur polonais, celle de ses débuts (de 1959 pour "Anaklasis" à 1974 pour "Le rêve de Jacob"). Ni musique sérielle, ni musique aléatoire, quoique de temps en temps, Penderecki ait recours à des séries de sons ou à une certaine liberté laissée à l'interprète (très contrôlée toutefois), la caractéristique principale de son style est la recherche d'effets sonores inédits et captivants, sans recours à l'électronique, en développant tout ce que des instruments normaux peuvent avoir de sensuel, de provoquant aussi : c'est au sein d'une forêt de grincements, de frottements, de cris tantôt stridents et tantôt étouffés, de coups de massue percussifs ou de nappes sonores glissantes, que nous sommes perdus. Le Polonais cherche souvent à tirer le plus grand parti possible des effets de masse que peut soulever l'orchestre. Pas la peine donc d'entreprendre une quelconque analyse formelle : fermez les yeux. Cette musique vous prend-elle à la gorge ? C'est gagné. On rapproche souvent le Polonais de ses compatriotes Lutoslawski et Gorecki... à tort. Dans les années 1960-1970, il était relativement isolé dans ses partis pris, ce qui ne rend ces pièces que plus intéressantes, d'ailleurs. Le point commun que l'on pourrait lui trouver à la limite avec un Gorecki, serait un tournant vers un style beaucoup plus traditionnel au milieu des années 1970, ainsi que son attrait pour la musique sacrée (qui ne transparaît toutefois que peu dans le présent disque). Il est en tout cas indispensable d'écouter ça au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour le fameux "thrène" : fenêtres ouvertes et volume à bloc, vous épouvanterez tout le monde...