Witold Lutoslawski (1913-1994) › Livre pour orchestre / Concerto pour violoncelle / Novelette / Chaîne n° 3

Ce qui est séduisant, chez Lutoslawski (si vous ne voulez pas passer pour un béotien, prononcez "Loutossouavski"), c'est la manière dont il s'est réapproprié le dodécaphonisme de Schönberg et consorts (dont il avait été dans un premier temps coupé pour cause de régime polonais pas très compréhensif), mais pour en faire autre chose, de plus personnel, émouvant, sensuel aussi (quoique certains trouvent que Webern est un compositeur très "sensuel", ce qui n'est peut-être pas faux). Alors malgré l'aridité de ses pièces des années 1960-1970 (après la période "néo-classique", et avant la "synthèse" des années 1980), on y trouvera toujours cette petite touche d'émotion qui peut manquer chez nombre de ses confrères de la même époque. Faites l'expérience avec le "Livre pour orchestre" (1962), qui contient les données formelles propres au compositeur (une première phase de "préparation" auditive, une alternance ad libitum/a battuta), mais qui n'est pas une de ses oeuvres les plus accessibles. "Le concerto pour violoncelle" (1970) ne se démarque pas non plus, si ce n'est par la dimension spectaculaire due au rôle du soliste, qui commence par bégayer la même note pendant plusieurs minutes avant de développer son jeu. De même dans "Novelette" (1979), peu de surprises, si ce n'est l'alternance entre passages sauvagement rythmés à la manière de Stravinsky période "Sacre du printemps" et les errances multicolores des différents pupitres de l'orchestre. "Chaîne n° 3" applique le principe de chaîne que j'ai déjà détaillé concernant "Chaîne II" ou le "concerto pour piano", mais le dialogue n'a cette fois-ci plus lieu entre un soliste et l'orchestre, mais entre différentes parties de l'orchestre. Le résultat se situe à mon sens un chouïa en dessous des oeuvres sus-nommées, mais n'en reste pas moins effrayant dans sa perfection de la gestion des masses sonores de l'orchestre.