Primordial › The gathering wilderness

Primordial... ou le combat farouche d'un homme au coeur de la tempête. Un homme qui chante, qui crie, qui pleure et prie de toutes ses forces pour tenir face aux vents, pour qu'au creux des bourrasques et sous les nuages gris il puisse se faire entendre, lui qui a tant à dire, tant de raisons de se plaindre, tant de larmes à verser... lui qui fait du sauvage et des forces déchaînées ses alliés dans la rage, l'atroce mélancolie et l'amour de l'orage. A mesure que le temps a fait de MacUilliam un maître des harmonies, allant à l'essentiel, ménageant ses effets, lui qui n'a plus besoin des détours mélodiques prononcés et superbes qui menèrent le "Spirit" au sommet de la nostalgie folk, Primordial s'est mué en une masse de noirceur lourde et desespérée, au point de se confondre avec le bruit du vent, de la pluie et du tonnerre, au point de devenir l'incarnation parfaite des tempêtes irlandaises où s'entremèlent bourrasques, arbres au vent et légendes, rage, tristesse, metal sombre et puissant et finesse acoustique. Tout, ici, est plus franc, plus intègre, plus aride, Primordial se refuse à retrouver l'éclat de leur troisième album, ne force plus sa violence, s'évertue à durer dans des riffs sobres et lourds, ne distille ses images et ses sombres lueurs que sur le fil ténu d'une guitare acoustique qui gratte dans le lointain, et dont les harmoniques surlignent magnifiquement les montagnes noirissimes des riffs qui se déroulent. Folk jusque dans ses rythmes; O'Laoghaire roule des toms; ténébreux et pesant jusque dans ces clairières où la mélancolie vient adoucir le son, amenant les guitares vers les pleurs mélodiques, les arpèges de tritesse; aride et exigent jusque dans ses élans épiques d'harmonies et de sons à la force ennivrante, "The gathering wilderness" est à l'image de sa pochette, une fresque monochrome, sans détail étincelant, sans centre ni point de repère, mais dans laquelle pourtant on finit par entrer à force d'abandon, on se promène des heures, on se perd et se cache, on retrouve tout les champs, les forêts et collines d'une terre ancestrale aux légendes innombrables, balayée par la nuit et ses violents orages... et on reste pétrifié face à tant de beauté et de force sauvage, sous la tempête qui hurle... face à Nemtheanga. Car il y a quelqu'un au dessus des guitares, il y a un homme debout au milieu de ses notes opaques et hurlevent, un homme qui chante, qui crie, qui pleure et prie de toutes ses forces, lui qui a tant à dire, tant de raison de se plaindre, tant de larmes à verser... lui qui fût tragédien, poête ou bien conteur, et qui gueule aujourd'hui au creux de ces bourrasques et sous les nuages gris d'une seule et même manière : l'engagement absolu, l'engagement et rien d'autre... rien que la rage au ventre et les larmes dans les yeux... le feu au fond de la gorge. Plus profonde que jamais, l'oeuvre de Primordial s'impose à chaque offrande comme plus indispensable, inclassable et superbe, unique et sans rivale... inquiétante et sauvage, triste et miraculeuse.