Guts Of Darkness

Il y a des albums qui sans qu'on arrive à l'expliquer nous touchent en plein coeur, sans qu'aucun effort particulier ne soit nécessaire. Encore faut-il être dans de bonnes dispositions pour en avoir conscience, mais généralement l'effet est instantané. C'est le cas du nouvel album des américains d'Harvest Rain. Vous dévoiler que 'Night chorus' est un chef-d'oeuvre correspond de prime abord à un euphémisme des plus flagrants tant l'âme en peine qui hante ses compositions semble se nourrir de nos émotions les plus intimes. Des atmosphériques et cold-wave 'An upstairs window', 'Night chorus' (avec Tor Lundvall) ou 'Our dead' (où l'invocation du spectre de Ian Curtis de Joy Division) aux superbes morceaux interprétés en compagnie de la flûtiste Amanda Votta dans un registre plus ambient/heavenly ('Green flame', 'Listening'), les esprits issus de l'imagination fertile de Jason Thompkins prennent un malin plaisir à torturer nos sens et à mettre à vif ces plaies que l'on met tant de temps à résorber. La mélancolie s'abat sur le pélerin égaré sur ces longues sentes sans fin, inspirant une peur presque surnaturelle lorsque l'on aborde 'Night ride' ou 'A cold bed'. Heureusement les forêts, quelque étouffantes qu'elles puissent être, regorgent de clairières où le repos et l'abandon propices à la rêverie tiennent siège, ce que l'extraordinaire et folk 'Reaching (for the saints)' et le non moins sublime et éthéré 'Strange lights appear' confirment largement. 'Night chorus' joue moins la carte d'un dark-folk classique que celle d'un hybride folk/cold-wave où nappes, basses et rythmiques sont en parfaite osmose (les meilleurs exemples étant 'Strange lights appear' ou 'Wafeln') et le chant de Jason, mélodieux et distant, déclame des textes d'une poésie pure (et par définition intemporelle) et émouvante. Il y a longtemps qu'un album ne m'avait pas touché dans son intégralité, par sa cohérence, son assise émotionnelle et sa teneur mélodique d'une qualité exceptionnelle. 'Night chorus' est un recueil précieux dans lequel sont inscrits à l'encre indélébile des hymnes fantômatiques pour le brouillard nocturne. Magistral en tous points.