U.s. Maple › Sang phat editor

En cette fin de siècle, Chicago grignote peu à peu le terrain que Seattle leur avait dérobé le temps de quelques clips sur MTV. Oh, mais rien de spectaculaire. En Illinois, on a toujours travaillé dans l'ombre, pour quelque chose de durable. Ainsi, même si sa mythique scène jazz se perpétue aujourd'hui sous les traits de Ken Vandermark, c'est du côté du rock alternatif qu'il faut aller chercher les prétendants à cette musique nouvelle qu'on a vite qualifié de post rock. Ça veut tout dire et son contraire. Alors que le disque que je chronique en ce moment même, lui, ne veut rien dire du tout. Bein oui... C'est que "Sang Phat Editor" est le disque impossible d'un groupe impossible, impossible à chroniquer. Enfin, si, en deux petits mots, ce serait vite emballé... Captain Beefheart, ça vous dit ? Sans le blues, sans ce chant typique, rocailleux et profond, mais avec un chant tout de même, celui de Al Johnson, schizophrène et lunatique au possible. Ne gardant surtout au final que cette fascination maladive - à moins que cela procède d'une démarche naturelle, mais j'en doute - pour des structures rythmiques mouvantes, des mélodies aphones et des accords célébrants le non-conventionnel au rang de normalité. Pour un second album, les U.S.Maple frappent fort tant leur disque s'écarte des plans convenus de la musique alternative, et définitivement en dehors de toute filiation post rock. La production de Jim O'Rourke ne suffit pas à valider cette optique, ni la présence du violoncelliste local Fred Lonberg-Holm. Augmenté des autres allumés incontrôlables des Flying Luttenbachers, "Sang Phat Editor" a pour but de déranger et de divertir ; c'est ainsi qu'il nous livre huit titres instables mais scrupuleusement exécutés, un manifeste de détraqués, aux cellules grises endomagées, aux réflexes altérés qui ne pouvaient trouver refuge qu'en l'asile Skin Graft, réputé pour ses artistes hors normes. Dépaysement garanti.