Fela Kuti › No bread

Fela en a marre. Fela change de nom. Il troque son nom d'esclave, "Ransome", hérité du colonialisme rampant, par "Anikulapo", ce qui signifie en pidgin "celui qui a la mort dans sa poche". Les revendications sociales ne sont pas prêtes de s'arrêter. "No Buredi" (connu aussi sous le nom de "Unnecessary Begging" avec une pochette de disque différente) est une pièce de plus à rajouter au dossier. On ne change pas une formule qui marche, et on ne relâche pas la pression. Il faut, avec insistance, taper toujours sur le même clou, avec la même force, la même conviction, d'autant que, jours après jours, les habitants de Lagos sont de plus en plus nombreux à le rejoindre, de plus en plus réceptifs au message d'émancipation que véhicule Fela depuis maintenant presqu'une décennie. Ce disque s'adresse tout particulièrement à ses frères africains ; il leur demande de ne plus se laisser berner par le pouvoir en place ("Unnecessary Begging"), il leur demande aussi de relever la tête, de se prendre en main et de cesser de se laisser bouffer par un assistanat permanent qui leur enlève aussi leur fierté. Un appel cinglant à devenir responsable dans une culture où insouciance, pardon et générosité ont causé la mort de millions de personnes. Ce n'est pas encore avec ce disque-ci que l'on détiendra le classique immuable de Fela Kuti, bien que le titre "No Bread", rythmiquement plus alerte que ses derniers titres en date mais aussi un peu plus touffu et organique que de coutume en raison de la richesse de ses éléments percussifs, demeure en soi un titre des plus recommandables. Pour son passage au format cd, le label Barclay a associé ce titre avec l'album "J.J.D.". Un an les sépare. C'est raisonnable. Six albums les sépare aussi. Ça l'est tout de suite moins...