Debile Menthol › Battre campagne

Après leur séparation, certains membres de Débile Menthol ont depuis poursuivi leur parcours dans L'Ensemble Rayé. Mais avant cela, nul n'aurait pu définir quelle fût en réalité la cause qui poussa les membres du groupe culte suisse à faire campagne. Toutefois, force est de reconnaître que leurs propos avaient, et ont toujours, de quoi en laisser plus d'un circonspect. Une musique mouvante, hystérique, caractérielle, qui passe en un quart de seconde d'un feu d'artifice joyeux et bordélique à des trames en apparence plus contrôlées mais aussi plus sombres, diffusant une atmosphère tourmentée plutôt que réellement dépressive. En l'absence des cuivres chatoyants qui guidaient nos pas de le jardin d'Émile, "Battre Campagne" répond plus encore aux canons de la musique nouvelle comme défendue par le mouvement Rock in Opposition. On doit attribuer cela avant tout à un choix d'écriture qui s'inscrit dans cette même recherche volontairement disharmonique (guitare et violon dominent les duels, trahissant plus que jamais l'influence primordiale de Fred Frith, comme sur "A Quoi Pensent-ils ?", "Cul de Sac") et polyrythmique. Aksak Maboul, The Honeymoon Killers, Cos, Henry Cow, Etron Fou Leloublan, Frank Zappa... Autant d'influences qui nous viennent à l'esprit à l'écoute de cet hallucinant thé dansant pour couples en camisoles de force sous ecstasy. Un jour ou l'autre, bon sang ne saurait mentir, les Cardiacs ont du jeter une oreille à ce groupe. Il ne pourrait en être autrement. Et au-delà des Cardiacs, suivez mes pensées, Mr.Bungle lui-même ! Bref, avec Débile Menthol, nous entrons de plein pied dans le cadre de ces musiques rock intemporelles qui ne doivent leur salut qu'à la richesse d'un monde sonore qui n'appartient qu'à eux et qui a su les conserver à l'abri des outrages du temps. Inclassable. Non-académique. Et par conséquent vital ! A l'heure où la presse fait ses choux gras d'un revival eighties providentiel avec des groupes comme "!!!" ou "Franz Ferdinand", la redécouverte essentielle des deux uniques disques, ou plutôt des deux disques uniques de Débile Menthol sur l'anthologie "Émile à la Campagne" devrait idéalement servir d'exemple, histoire de jeter un solide pavé dans la mare au sein du monde bien pensant de l'échelle des valeurs musicales, gérée pour notre plus grand bien par des firmes de disques dont les seules valeurs morales et culturelles s'expriment en dollars. N'y a-t-il rien de pire, en définitive, que d'attendre du monde qu'il change pour nous ? Cultiver la provocation, à l'instar de Débile Menthol, voilà peut-être, au jour d'aujourd'hui, la seule forme de résistance qu'il reste aux esprits libre qui crèvent d'exister.