Le Orme › Uomo di pezza

La sensibilité à fleur de peau de ce trio bourgeonne enfin sur "Uomo di Pezza", un album qui pourtant ne séduit pas d'entrée, malgré la beauté évidente de son titre en ouverture, "Una Dolcezza Nuova", une roucoulade sentimentale insupportable pour les uns, une superbe ballade façon "Mad Man Moon" pour les autres. Si Le Orme concentre désormais toute son énergie et tout son savoir faire dans la réalisation de titres courts réveillant en nous peut-être des souvenirs inavouables d'insouciance et d'innocence propre à l'enfance ("Gioco di Bimba" aux airs de berceuse), leur quatrième disque prend son envol mais aussi toute son ampleur dès l'arrivée de notes obsédantes de basse et une rythmique soutenue accompagnant un vent de claviers menaçant ; c'est "La Porta Chiusa". Malgré sa longueur relativement modeste pour les standards du genre, le travail d'écriture est ici particulièrement évident (successions de thèmes, ruptures rythmiques...) et nous éloigne considérablement de l'aspect un peu désinvolte de "Collage". C'est cela aussi toute la force de Le Orme, à mes yeux du moins ; c'est d'être parvenu à créer une musique progressive unique, ambitieuse, raffinée, sans jamais être tombé dans la surenchère par facilité. Les titres à sa suite confirment cette tendance, validant une option plus minimaliste et acoustique avec, toujours en point d'orgue, un sens mélodique renversant ("Figure di Cartone", "Aspettando l'Alba"). Dans une configuration similaire à celle d'Emerson, Lake and Palmer ("Alienazione" en clôture a des allures de "Knife-Edge" et "Tank" réunis), on est vite surpris du monde de différence qui sépare pourtant ces deux formations ; bien qu'en commité réduit, Le Orme n'a jamais essayé de combler cet espace mais, bien au contraire, lui a donné plus de poids, sublimant ainsi sa musique. "Uomo di Pezza" est un album équilibré, alliant l'urgence de "Collage" à une certaine idée de la musique progressive au travers d'une sophistication plus fantasmée que réellement accomplie dans ses travers les plus regrettables.