Le Orme › Collage

Quand on s'attaque au rock progressif transalpin, Le Orme s'impose très rapidement comme une évidence parmi les incontournables du courant. Pour être tout à fait honnête, je dois vous avouer aussi d'emblée que j'ai pour ce groupe un faible assez prononcé et ce en dépit d'une ressemblance flagrante avec Emerson, Lake and Palmer qui eux, pourtant - on le sait - sont loin d'obtenir toutes mes faveurs. Cette différence, je la met sur le compte du lyrisme et de tout le romantisme dont savent faire preuve les formations italiennes de l'époque ; une aisance mélodique assez fabuleuse, pour tout dire tout simplement irrésistible. "Collage" est le troisième album de ce triumvirat mais l'excellence dont je parle ne fait ici encore que de timides apparitions. Après les essais ouvertement pyschédéliques de "Ad gloriam" et "L'Aurora" dont on peut encore percevoir quelques menues influences sur la plage titre instrumentale en ouverture, Le Orme assoit son style définitif dès le titre suivant, l'emblématique "Era Inverno" ; dominé par la voix d'alto à la fois plaintive et dramatique d'Aldo Tagliapietra, le groupe explore les possibilités d'écriture à trois avec le claviériste Tony Pagliuca, flamboyant, sans verser dans l'excès, et le percutant Michi dei Rossi à la batterie. "Collage" offre à entendre un Le Orme en pleine mutation, partagé entre un désir évident de créer des chansons au pouvoir d'attraction instantané, d'une surprenante simplicité ("Immagini", "Morte di Un Fiore") sans pouvoir encore s'extirper complètement du trip des jams enfievrées ("Cemento Armato" et "Evasione Totale" où orgue aux accointances jazz rock et son rack d'effets halluciné bataille ferme sur un groove endiablé). Premier disque du bref âge d'or du groupe, il s'agit aussi de leur disque le plus expérimental, le plus brut et le plus énergique, dans le sens où l'accent n'est pas encore mis sur toutes ces fioritures qui vont transformer très bientôt leurs compositions. Entre heavy psyché et prog, "Collage" est un album respectable.