Dredg › El cielo

Ici, ça sent l'artiste autocomplaisant à plein nez. Celui qui aime s'écouter. Celui qui n'a qu'un rêve ; celui de s'autoprojeter dans les pages de l'histoire de la musique, quitte à n'en représenter qu'une seule ligne, mais une ligne qui serait à lire aux côtés des articles consacrés aux plus grands. Gavin Hayes, le leader de Dredg, a phantasmé son disque, leur deuxième, et ce dans les moindres détails. Des titres souvent fouillés, aux structures qui ouvrent un grand boulevard à des tas d'explorations sonores, vaguement avant-gardistes, souvent masturbatoires. Une succession sans temps morts d'ambiances diverses consolidée par l'enchaînement systématique des titres qui tenderait à conférer au disque une homogénéité qu'il a pourtant bien du mal à tenir, essentiellement dû aux multiples pistes que Dredg veut baliser en même temps sans savoir vraiment quelle est la voie dans laquelle ils devraient idéalement s'engager. "El Cielo" est non seulement un album ambitieux, mais il se permet le luxe, seulement par défaut, d'être déroutant. Songez que d'un titre à l'autre, on voyage tantôt dans des paysages métalliques dignes d'A Perfect Circle pour être, l'instant d'après, happé par une chorale mystérieuse provenant des cantons de l'Est comme extrait d'un disque de Dead Can Dance. Dans un moule malgré tout fort conventionnel et taillé pour plaire au plus grand nombre, "El Cielo" ne parvient pourtant pas à déchaîner outre mesure les passions. Son ambiance moite et pesante, faussement claustrophobique, est déforcée par la voix impersonnelle du chanteur (très Martin Gore) et des compositions à tiroir qui semblent plus démonstratives que réellement fondées. En dépit de ses interminables longueurs et de ses défauts inhérents, Dredg a signé là un disque bien atypique qui devrait malgré tout attirer l'attention des plus curieux qui ne rechignent pas à tenter de multiples écoutes dans l'espoir d'y trouver chaussure à leurs pieds.