Robotobibok › Jogging

On a peut-être tendance à l'oublier facilement, mais la Pologne traîne derrière elle une grande tradition musicale qui est toujours parvenue, que ce soit en musique classique, en jazz ou même en rock, à véhiculer ce spleen douloureux qui semble comme inscrit dans les gênes de tout ce qui provient de l'Est. Ce serait erroné de croire que c'est un trait propre à la Pologne (les contrées alentours ne sont elles pas logées à la même enseigne ?), bien que l'histoire tumultueuse de ce pays dont le réel ciment est son peuple dopé à un catholicisme de bigot, a sans doute forgé une force de caractère, de volontarisme et un désir d'émancipation hors du commun. On retrouve toutes ces choses (le spleen, la personnalité, la liberté - je résume, pour ceux qui ne suivent pas) sur ce disque moins fantasque pourtant que ne le laisserait présager la pochette. Pour son premier disque, Robotobibok s'en tient stricto sensu au titre de son album "Jogging" ; il se ballade. Littéralement. Ce quintet a déjà ouvert des concerts pour le Chicago Underground Duo, c'est dire si l'affaire est sérieuse, et si le potentiel est prometteur. Le talent est là, indubitablement. L'osmose fonctionne, et sur le groupe, et sur l'auditeur. Presqu'instantanément. Mais les incartades que le groupe pourrait s'octroyer sont encore trop timides. Des brûlots free comme une exacerbation de l'intensité du moment à la fois trop hésitants et trop contrôlés. Des ambiances à l'architecture floue encore trop discrètes et pudiques que pour devenir remarquables. Un saut dans l'inconnu que l'on sent presqu'imminent mais retardé pour on ne sait quelle raison. La peur, peut-être. Tout simplement... Sans élever le débat, ce premier disque des Robotobibok ne dépareillera pas votre collection de cds jazz moderne, entre Dave Douglas, Bobby Previte, Greg Bendian, Joey Baron, Arthur Blythe ou Ellery Eskelin. Sympathique, groovy et décalé.