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Enregistré les 4 et 5 décembre 1957 au Poste Parisien, Paris.
Kenny Clarke (batterie), Miles Davis (trompette), Barney Wilen (saxophone ténor); René Urtreger (piano); Pierre michelot (contrebasse)
Il y a les chefs-d’œuvre… et il y a les monuments. En 1957, Miles Davis en tournée enregistre en une nuit à Paris la bande originale du film «Ascenseur pour l’échafaud». Devant les images du film qui se déroule, Davis et ses musiciens jouent… ils font du jazz. Alternant un cool, nocturne et émouvant, et un hard-bop frénétique aux rondeurs anguleuses et jaillissement ébouriffant, le plus fascinant des jazzmen livre une musique étoile, spontanée et déchirante. Des pièces les plus enlevées comme «sur l’autoroute» se dégagent la frénésie rythmique la plus prenante qui soit, le glissé de Wilen percute le tueur Davis, acéré comme jamais et bondissant furieux sur la basse pleine allure. Les merveilleuses «Florence… » ou «Bar du petit bac», à la nonchalance curative et à l’équilibre tranquille montrent un Miles Davis tout en souplesse et décontraction, complice bienveillant du magicien Wilen pour des dialogues superbes de rondeur mélodique… Urtreger au piano les regarde de loin en leur faisant des signes, des appels rassurants d’accords justes et subtils sur une rythmique plus souple qu’un déhanché de femme. Mais c’est sur «Générique», «L’assassinat… », «Julien dans l’ascenseur» et jusqu’au «photographe», dans ces pièces les plus sombres, au cœur de la nuit lente, que Davis livre pur son éclatant génie. Jamais une trompette ne résonnera comme ça, sous la lune, comme une conscience toute seule qui ne pourrait pas dormir et chercherait dans l’errance l’oubli et le sommeil. Basse, piano et cymbales se contentent du silence, des à plats inquiétants étouffés et lointains qui reviennent sur les temps comme un robinet goutte, qui derrière leur coton frappent des coups mortifères… il y a le chant de Miles, terrible et lumineux qui s’élève dans le noir, un son qui brille et sombre en lueurs à mesure qu’il s’estompe… et concentre en deux notes tout ce qui de la nuit peut inspirer tristesse, angoisse et désespoir. Des pièces de fous délires d’où jaillissent des merveilles, des moments jazz racés à la souplesse lénifiante et des extraits d’or pur volés à l’Éternel, «Ascenseur pour l’échafaud» est un de ces fameux état de grâce au génie bouleversant que nous laissa Davis. Ça survient dans l’urgence… et c’est pourtant toujours hors de la marche du temps.
note Publiée le mardi 4 novembre 2003
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Les soliloques de Moreau sont un peu datés, sans doute, mais j'essaye toujours de regarder les films avec un œil d'époque, justement. Déformation professionnelle. C'est surtout le jeu catastrophique de certains acteurs et les dialogues souvent médiocres qui plombent, alors que Julien est impeccable.
Il est très "de son époque", le film, dans mon souvenir. Avec des acteurs qui jouent "comme à leur époque", une écriture de même - qui se fondent moins, j'avais trouvé, à l'atmosphère "dérive et spleen et fatalité dans la ville en sourdine" qu'il a l'air de viser (le film, donc), que la musique, oui (ce qui, je suis d'accord, est quand-même un peu un comble). Peut-être que le "cinéma d'atmosphère", c'est moins "facile à toucher" que la "musique d'atmosphère", tiens... Ou peut-être que Miles & Co y parviennent aussi bien ici, aussi, parce que c'est loin de faire simplement ameublement ou tapisserie, ici, l'atmosphère, toute chargée d'anxiété qu'elle est, dans le bleu et gris-murs de son haleine.
Un peu déçu par le film, aussi inégal que la B.O. est homogène, mais au moins je comprends les titres, désormais.
Elle ne laisse jamais insensible, cette musique. Avec ce quelque chose de surnaturel, vénéneux presque, dans la trompette de Miles. Dès le générique ça te prend, et puis le film, l'intrigue qui se déploie, Jeanne Moreau, tout ça s'entremêle diablement bien.
Pas mal d'albums de Miles Davis encensés ici me passent au-dessus. Là, je m'incline.