Café Teatro › S/t

Café Teatro manie ce sens du drame que l'on apprécie chez Godspeed You Black Emperor ! sans pour autant en venir nécessairement à l'explosion des décibels qui a réussi à scinder en deux camps ceux qui prônent ou rejettent le systématisme de cette approche. En contrepartie, il préfère se nourrir du lyrisme du June of 44 de fin de carrière (on songe en particulier aux passages les plus calmes de "Four Great Points") ou, mieux, les notes d'espoir travesties par les cuivres de Do Make Say Think. De longues plages comme autant de progressions vers un paysage vierge de toute trace humaine, un décor au blanc clinique qui, comme le suggère sa pochette, ne se résume qu'à une toile de fond sur laquelle un personnage, l'auditeur, fait les cents pas. Ces compositions contemplatives nous resserent dans leurs étreintes, telle une éponge, nous invitant à partager avec elles toute leur amertume et leur désespoir. L'apparente linéarité du disque est trahie par ses courbes, ses inflexions élastiques qui, là encore, trouvent un écho dans le tracé sinueux qui, en tant que filet de fumée ou cours d'eau oublié, sert de repère géographique à notre personnage comme assomé par le poids écrasant et la chaleur étouffante d'un soleil ibérique idéalement représenté par les chorus d'une trompette peu avare en espagnolade lointaine et esseulée. Café Teatro signe là un disque discret mais de haute facture, dans la quasi confidentialité aussi. Son pouvoir d'attraction en demeurera d'autant plus grand et n'aura de cesse de grandir en ceux nourris par le vertige fébrile de sa musique.