Today Is The Day › Never Give In

Quelle étrange et vilaine pochette... turquoise, mauve... l'oreille isolée en vert... est-ce que côté tympans ça va le faire ? Bon, qu'est-ce qui s'est passé, Steve ? Dis-nous tout, te planque pas derrière tes manigances soft rock'n'folk, vieille charogne... T'en as bavé. Et qu'est-ce qui se cache derrière ce si beau titre combatif, hm ? Que la dépression est derrière... ou plutôt que t'es en plein dedans, encore, comme me le suggère cette désespérée ballade "The Cleansing" ? Dans la fange de cette mélancolie, dans cette merde morbide qui te fait sentir à quel point la vie est nulle et que c'est ça la lucidité, que le bonheur est une sorte d'état second pathologique, et que c'est aux gens heureux qu'on devrait donner des cachetons... et au fond, le culte à deux balles de marginaux doit te faire une belle jambe. Tu préfèrerais sans doute avoir à ton actif un album populaire. Ouais. Sûr que si t'avais les moyens : tu ferais du vrai hard FM, de la power pop, ce genre de conneries. Et tu niquerais tout. Que t'en aies envie : c'est aussi ça qui te rend si spécial à mes yeux, car tu ne te complais pas dans l'extrême pour l'extrême. Un peu comme feu Peter Steele, qui dominait le Grave, toi tu domines l'Aigu depuis ton monde musical si spécial, si total... et si on ajoute ce "statut" de dépressifs chroniques fans bien spéciaux des Beatles, le parallèle me semble légitime. Oui : je sais bien au fond, que tu aimes la mélodie, et la beauté, pas forcément dans l'horreur. Un son au PH acide maximal et des cris de chat perché, ça fait pas une vie. Faut savoir se détendre. Même dans le cloaque. Les morceaux tout mous, ça me dérange pas, donc. Tu pourrais tenter du Dire Straits ou du Pink Floyd, que je serais intrigué. Alors je parcours ce crapoteux et pathétique Never Give In quelque peu circonspect, désappointé - avec une pointe de fascination, car Today Is The Day c'est un peu comme Deftones, une musique extrême sensuelle... faite pour être ressentie, plus qu'analysée. "In-chroniquable", au fond. Mais là, c'est dur, j'ai surtout l'impression de te voir rétamé, rampant en tendant la main.

Passée une intro indus-cyber-metal foireux au goût de Killing Joke du pauvre et agrémentée de gremlins (Steve Austin est le plus dangereux des gremlins), direct l'album s'affaisse et se liquéfie comme une vieille bouse sur "I got nothin'", qui ne propose effectivement rien... Alors je glane quelques démons, dans ce qui sonne parfois comme des démos... Des punchlines de son cru que dans cet album tout mou tout abattu Steve essaie encore de nous incruster dans le cerveau : "Look what you've done to me, you're my religion", "I wish you were crazy"... "I can walk on the stars, deep beneath the ocean"... L'imitation sympathico-pathétique de Neil Young & The Crazy Horse sur "Intentional Psychological Warfare"... Le titre éponyme un peu Oxbow un peu Mudhoney is the Day avant un break à la "Liar" de Rollins Band (les nineties se chamboulent dans ta caboche Steve !)... "Secret Police" avec des cuivres, chez TITD c'est pas banal... et pas forcément mémorable. Mais bizarre de chez bizarre, avec des relents occultes en apparition surprise mais trop succincte hélas... Les stridences de "Psychic World" rappellent que Steve peut faire du Austin... Tandis que la guitare pleureuse sur la tragique et belle "The Choice is Yours", façon Paradise Lost, nous rappelle combien Steve a des accointances avec le gothique, mais pas versant dandy... "Pain and Frustration" la joue limite Steely Dan (je déconne à peine)... Le final cité en début de chro quant à lui, sur ses cordes claires, a quelque chose d'un TITD version slowcore, ou d'un Dax Riggs qui est passé par le mauvais trou. Reste que cette voix extrêmement hermaphrodite, comme fruit d'exorcismes ratés en chaîne, est une des choses les plus troublantes et atypiques qui soient arrivées à la musique rock au sens large. Steve, oui : tu as a tenté des trucs sur ce disque... déstabilisant... et cette affreuse pochette bancale qui m'évoque They Live avec la casquette d'Ed Gein, est le symbole de cette frustration extrême qui me saisit à son écoute. Comme un grand bras d'honneur en carton ou en mousse. T'as voulu nous dire que tu n'as de comptes à rendre à personne, j'ai bien l'impression. Et tu as bien raison, au fond. I feel you Stevou. Mais on est là, hein... Bisous (avec un peu de vomi).