La guerre. C'est noir, et puis c'est gris. C'est hier. C'est grand-père. Arrière-grand-père. C'est maintenant, pour certains sur cette Terre. La guerre, elle finit dans la terre. La grande avaleuse des morts. La mort, "cette communion", comme dit Matt Pike, "le seul vrai communisme", comme disait je sais plus qui. La guerre c'est la mort et c'est moche, on a guère envie d'en savoir plus... Mais bon, si on doit la voir en musique, sans se farcir des charges de Wagner, ou du fantasy-metal un peu trop riche en sucralose, les visions charcutières promulguées par le mercenaire Matt Pike font salement mouche, comme le refrain de l'hymne "Waste of Tiamat", comme la cavalcade folklo-metal d'une "Khanrad's Wall" qui renvoie au meilleur de Primordial, comme le ram-dam percussif de cette prodigieuse "Headhunter", comme ce solo magique de "DII", comme le riff morne-de-bouc d'une "Ethereal" : un peu plus robustes que le fantaisiste moyen, elles causent d'un monde où Conan le Barbare n'est qu'un Beau Brummel en ces contrées hostiles. Pike incarne aussi la guerre du côté houblon de la force. Gros bide, nichons velus, cheveux gras, dents en moins : son chant pur de chez purin les retranscrit. Et sublime tous ses aspects cradoques en un doux suc de cuisson vocal, tel un jus de viande réduit avec amour au petit feu pendant des années à guerroyer depuis Asbestosdeath. Parmi les enfants terribles de Lemmy Kilmister, le mec est assurément, comme Angelripper, un des tous meilleurs. Authentique à mort, vrai dans sa musique, brut de décoffrage et sans artifices... tout nu, sans Sleep. Un brame de gosier caillouteux qui confine au magique pur. L'expression d'un amour en boue liquoreuse, d'une foi en sa musique qui tranche dans le réel comme dans du beurre. Pike apporte sa version du Metal, sa lecture à lui, son épique à lui : sans époque, mais avec plein de piques. Et sans équivoque. Dans un monde où les riffs sont catapultés jusqu'à la forteresse du cœur. Un monde où on scie des membres au petit déjeuner, en chantant. Un monde où tout est possible. Déclamer un poème sur un monceau de crânes. Jouer un solo de classe impériale après. Un monde où se joue la bataille savoureuse d'un metal organique, aussi fluide qu'épais, difforme que magistral, féroce et généreux... Va, candide paladin, jusqu'aux confins de la grande plaine des morts oubliés ! Grogne en chœur, et survis dans ce monde sans fées ni fleurs, au son du râle du Pike en rut.