Dennis Bovell ne tient pas en place. Le mec, avec ses différents groupes - 12th Street Orchestra, Matumbi, chez Linton Kwesi Johnson ou en son nom propre, comme ici avec son Dub Band – expérimente, cherche, toujours au point sur la technologie, les dernières machines sorties d'usine, techniques de studio. Sa musique – en dehors de cet aspect purement « équipementier », des considérations de production – va souvent chercher plus loin, pour façonner, assembler sa vision particulière du dub – pas seulement, pas toujours dans le reggae. Ses musiciens et lui – qu'on écoute le guitariste John Kpiaye chez LKJ, justement, avec ses phrasés calypso, highlife, juju music... – n'ont cesse d'écouter ailleurs, de transformer ce qu'ils entendent, de rendre tout ça selon des angles particuliers, pensés. Souvent, ça prend. Souvent, ce qui en ressort sonne curieusement neuf, singulier, original et plein.

Mais parfois aussi... Eh bien parfois, on saisit un peu trop bien le moment où ça se passe. Audio Active, de fait, est un album d'époque – l'année 1986 comme gravée dessus, en numéro de série. Un disque de dub internationalisé, internationaliste – d'une ère où ça voulait dire « tout est permis » mais on ça signifiait souvent, aussi, « synthés mielleux », ballades pop-soul (ou varièt-soul ?), habillage new-wave plus ou moins bien ajusté. De fait : ce disque est bizarre – empli d'inventions mais enveloppé de couleurs satinées-mates en à-plats qui par moments ternissent les idées, les éteignent à force de les polir. Cette production marquée, alors très « à jour », dynamise certes la chose, dans les bons moments – batterie compressée/réverbérée comme chez XTC, pianos électroniques veloutés à la Joe Jackson. Certains passages brillent pour de bon, dans cette gangue plastique-acier-verre-fumé – Pow Wow, avec sa ligne vocale et son trombone en parallèle, son rythme cardiaque/mécanique emballé. À d'autres moments, cependant, c'est trop – du moins pour moi. Certaines romances alanguies, en particulier – Yo' Love, spécialement, avec son feeling de slow à la Lionel Ritchie période Top 50, de Barry White lyophilisé. Assez curieusement, aussi, certaines pistes parviennent à fusionner ces aspects, avec un bonheur inattendu – Dream et ses inflexions sud-africaines, parfaitement pop et « gentille », là encore, mais portée par un souffle véritable, spacieux, pulsé par des machines qui épousent le corps, la chair. C'est un peu juste, toutefois, pour que j'y revienne souvent.

C'est une question de moment, de climat... Ce serait plutôt un « pas assez », au fond, qu'un « trop de tout ça », j'aimerais, au détour d'un passage ou l'autre, que ça pousse plus loin cette optique de « grand mix », de bon ou mauvais goût outrepassés, considérés avec l'absence de précaution requise. J'aime bien ce à quoi ça me connecte – d'autres contrées dub, l'envie de me ressortir un Ray Lema ou un Baba Maal, ou un autre de Bovell même, en l'une ou l'autre de ses compagnies... C'est plaisant, ça, oui, cette ouverture. Oui mais... De là me reste aussi, à la plupart des écoutes, la sensation un peu confuse de n'avoir fait qu'y passer.