Audio Active › Return of the Red I

Tout fond, ici, ces jours. Les glaçons dans la carafe ou dans le gaspacho – en un quart de centième de seconde. Les pneus des caisses, les figures des chalands hagards, dehors. Mes étagères à CDs... Le salon est une étuve, le jour – en attendant l'estouffade du plumard, la nuit. J'ai envie d'optimiser, d'écouter des choses qui feraient se liquéfier mes neurones et synapses à leur tour... Du dub bien enfumé, ou des trucs expé japonais bien décalqués du bulbe. J'ai, tout ça. Presque trop. On ne sait que ch... Oh ! Wait ? … Audio Active ?

Audio Active ! Ça fera l'affaire, oui, nettement. Le concept est à l'arrache, à la cool, sur ce disque, comme toujours chez eux. Ici : l'Outernational Health Service vient (du fond de la nuiiiit) soigner notre planète de ses maladies – le conformisme, les malversations des « politricktians », l'obsession du travail et de la productivité, en gros, entre autres. Les moteurs des vaisseaux, tous l'équilibre de la Station, fonctionnent avec un seul carburant, panacée, remède et substance universels – la beuh, comme de juste. Depuis leurs débuts, en 1987 – sur le ci-présent album, on est en 1999 – les Tokyo Space Cowboys (c'est le titre d'un autre de leurs disques) ont eu le temps de se faire des amis partout. Adrian Sherwood (du label On-U Sound) et sa clique, les mecs d'Asian Dub Foundation, des anciens du reggae jamaïcain... Ce qui fait qu'ici, c'est plein d'invités – Deedar (d'ADF, donc) rappe sur un morceau big-beat, I-Roy (vieux tchatcheur qui décédera cette même année chez lui, à Kingston) vient poser sa voix sur un autre, une certaine Sovra, violoniste bien connue des studios ON-U (encore), des séances « world music », de la soul-pop internationale, empli l'espace de son violon réverbéré sur une plage sévèrement trippée, lente, aux voix trafiquées qui font bugger le fil de la pensée...

Audio Active, c'est presque toujours bien. C'est souvent un peu tout ça, énoncé plus haut – dub greffé d'électronique « moderne » (selon les années où sortent les disques), traces techno, hip-hop, guitares plus ou moins rock calées entre les grosses basses moelleuses et solides, rembourrées. Les effets avalent, là, aussi, melodica, harmonica... Banjo, même – la space-country est soluble dans le riddim. Tout le monde a l'air de s'amuser – tout le monde pourtant est concentré, joue le jeu complètement, relaxé mais toujours pro. Tout est donné sans ordre particulier. Comme avec le Dub Syndicate, Tackhead, Little Axe... – les gens de chez On-U encore, décidément – comme d'autres gentils allumés genre Suns of Arqua ou Zion Train (au hasard ?), on sera plus ou moins sensible à tel ou tel disque, sans forcément savoir dire exactement pourquoi, ce qui fait la différence. On goûtera plus ou moins – parfois même, « ça ne passera pas » – un album ou l'autre, on scotcher a complètement sur le précédent, le suivant... Une douzaine de longs en dix/onze ans, quelques poignées d'EP et de collaborations en plus... ça laisse le choix, de la marge pour explorer, savoir si oui ou non, ils ont en stock un truc qui vous plaira.

J'aime bien celui-là, moi. Il se retrouve depuis des années « on air » en cette saison, le volume poussé assez fort pour passer par dessus le ron-ron du ventilo. Je le trouve consistant – complet, varié dans leurs genres sans faire catalogue. Il est long, OK... Mais ces jours-là aussi. J'apprécie sa dose de connerie – titres jeux-de-mots limite, imagerie S.F. un poil cheap... – autant que le travail poussé sur le son, derrière l'aspect bric-et-broc, la précision de l'image audio derrière la thématique, disons... Poreuse. J'aime ses accroches mine-de-rien – le riff/hook d'Emergency HosPOTal (… fins calembours, disait-on... ) va encore me coller au crâne pour le restant de la semaine. C'est écrit, composé, mieux que ça en a l'air – pas simplement de la freak-music lâchée là comme ça vient. C'est une chouette zone d'accueil. On s'y pose. On décolle. Comme fait le papier peint, pendant que j'écoute, en tâchant de ne pas trop bouger.