Du bruit composé – plus ou moins ouvert, avec des plages, des laps improvisés ? Martelage sur fûts de tôle, riffs cabossés, lignes de basse qui s'enflent et se contractent, passent en force – tout ça balancé dans des préamp débordés, des amplis réglés tous potards dans le rouge. Quand on a découvert Nisennenmondai via leur album N et la tournée attenante, huit/neuf ans après ces premiers EP (ce fut mon cas... comme celui de pas mal de monde hors du Japon sans doute), comment dire... Ça surprend ! Ça m'a surpris, donc. Ça m'a cueilli, même.

Pas de techno minimale, ici, jouée en trio « rock ». Les mêmes instruments mais... Du boucan, disais-je. Du noise-rock. De la noise. Une sorte de funk pour scories métallique, par moment, un groove post-punk re-tordu à leur convenance. Les titres de l'EP Neji donnent quelques pistes – Pop Group, This Heat Sonic Youth... Mais c'est à peine plus que ça – des indices au fond pas si cruciaux, puisqu'il s'en passe bien plus, là-dedans, que ça n'a rien d'un « digest » de ceux-là et quelques autres dont les noms pourraient nous venir. (Je ne sais pas moi, en vrac, au hasard : Faust, Boredoms, Gang of Four... Ou Fela Kuti – mais version cyclotron. Un collègue à même osé « Lugubrum » – je ne dis pas qu'il a tort, je serais tenté de revérifier). C'est très noise, oui, ces débuts – débordant de fréquences emmêlées, d'harmoniques empilées, c'est très dense et pas mal hirsute. Aussi : c'est sévèrement pulsé ! On s'en rend compte bien vite – une fois que l'oreille s'est habituée à bien tout absorber, encaisser, là-dedans. La rythmique a quelque chose de très krautrock – très en place et les accents minutieusement (et brutalement) décalés, la syncope rude et le débit jamais grippé. On s'aperçoit que ça fait le lien, sous l'apparent bordel, cette section basse/batterie jamais fatiguée, jamais prise en défaut, motifs accidentés ou pas – le lien avec leur musique d'après, j'entends, quand elles tourneront « minimalistes ».

Les couleurs, entre temps, les formes du son – les ormes d'ondes – changeront. Le dispositif, pourtant, l'idée, est déjà bien en place, ici : Sayaka Himeno et Yuri Zaikawa (batterie et basse respectivement) tissent un treillage solide, incassable, fascinant de précision, géométrique ; et Masako Takada, là-dedans, vient émettre, écouler les textures d'une guitare passée dans les effets, timbres et motifs reconfigurés de fond en comble par l'électronique. La différence, c'est qu'ici elle déborde, cette guitare – qu'elle dépasse des traits, lignes, contours, c'est que tout crache, décidément, que le signal se déchire et se délite au lieu d'être contenu dans leurs figures cycliques pourtant déjà bien là, en place, jouées sans discontinuer. « On s'y fait ». Non, bien mieux : on s'y prend. On trouve la fin abrupte ? C'est qu'il ne faut pas couper, quand retombe l'illusion d'un silence.