Sorcier des Glaces
Au premier abord, ce patronyme peut prêter à sourire, mais ça serait sous-estimer l’importance de la francophonie en tant que marqueur culturel majeur pour toute une partie du peuple Canadien, et ce qui pourrait sembler un peu désuet ou kitsch pour nous, sonne comme une revendication pour eux. D’ailleurs, des groupes comme Forteresse, Monarque ou Délétère lui emboiteront le pas quelques années plus tard, avec un certain succès qui ne se dément pas encore aujourd’hui.

Mais en 1998, tout est encore à construire. De la scène Quebecoise, on connait forcément les thrashers progueux de Voïvod, ou les brutasses Death de Gorguts ou Cryptopsy, c’est un Black Metal Bestial et primitif qui est pratiqué à l’ouest du pays, dans les provinces anglophones.

Sorcier des Glaces fait donc figure de pionnier en sortant, de manière totalement auto-produite, ce "Snowland" à une époque qui sonne déjà le déclin de tout un pan de la fameuse "seconde vague".
Emperor, Darkthrone, Enslaved…tous ont été assimilés et digérés pour produire des morceaux aussi épiques que mélancoliques.

Les Norvégiens ont des Fjords ? Et bien les Québécois n’ont pas à rougir avec leurs immenses étendues forestières, et ça sera là l’inspiration principale : une nature aussi sauvage que glaciale.
Le chant, majoritairement anglophone, rappelle les raclements de gorges de Grutle Kjellson, tandis que les riffs répétés sous forme de ritournelles reprennent la formule établie par Darkthrone quelques années auparavant sur Transilvanian Hunger. Ça rentre en tête pour ne jamais en sortir.

Autre emprunt à Darkthrone, mais cette fois-ci moins volontaire, c’est cette production extrêmement crue et artisanale. Le chant et les guitares sont mixés de manière variable, un peu comme quand on écoutait une cassette ayant vécu plusieurs vies, et la batterie n’est pas toujours carrée, quand elle ne pédale carrément pas dans la semoule.

Mais est-ce si important ? Au contraire, j’irai même jusqu’à dire que cela apporte un charme fou à ces compositions. Car au-delà du voyage dans le froid et l’obscurité sylvestre, c’est l’impression de retrouver une véritable capsule temporelle, parfaitement conservée dans la glace qui nous est offerte ici. Un vrai retour à une époque où le Black Metal était encore synonyme de mystères et d’enchantement, ce qui le rendait presque intimidant. Et aujourd’hui, soit 27 ans plus tard, si les mélodies de Onward Into The Crystal Snows ou de Night Throne gardent une telle puissance évocatrice, c’est qu’il y a bien une part de sorcellerie lors de leur composition, non ?