Scientist › Heavyweight Dub Champion

Quand je serai à l’EHPAD, écrasé par la canicule dès le mois de mars, cette chronique servira de testament : mettez-moi un ventilateur et quelques albums soigneusement choisis. Un Immortal en guise de friandise glacée, un Dick Dale pour la boum et surtout, du dub, du bon (et DJ Screw en extrême-onction). Le changement climatique aura peut-être raison de mon goût pour le grindcore et tous les trucs qui donnent chaud. Certes, Scientist, c’est chaud. Mais pas chaud-chaud. Pas chaud comme les Quinconces à 14h le 15 août. Pas chaud comme la route fondue en bas de chez moi. Pas chaud comme un concert de Karma to Burn au Void en juillet 2017. Chaud comme dans le ventre de maman, chaud comme l’ombre sur le hamac, chaud comme une soirée au pub à la cinquième Guinness. Pourtant, sur cet album, c’est la bagarre, Scientist les prend tous, un par un et les voilà affalés en quête d’oxygène dans un coin du ring, l’arcade en passata di pomodoro. Scientist a évidemment vaincu tous ses adversaires comme il terrassera les vampires et le gardien anglais, avec une facilité déconcertante, en volant, sans verser une goutte de sueur. Les visages pâles, vampires et colons, mordent la poussière face au pouvoir du riddim, de la reverb et de la justesse du placement, de la somme de détails qui font du dub la musique la plus faussement simple du monde. Scientist n’a pas besoin d’en faire des caisses, son génie du mixage suffit pour nous emmener avec lui sans tirer sur le bras. L’art de la dynamique musicale avec trois bouts de ficelle, quelques mots de Barrington Levy, un cuivre qui s’évanouit, une caisse claire qui frappe fort un coup sur douze, une basse qui boucle puis s’éteint pour laisser respirer, un jeu sur les volumes parfaitement exécuté et ce petit lick de guitare sur Seconds Away qui titille d’emblée le tympan. Scientist est aussi le roi du concept-album minimaliste : une pochette, quelques samples pour situer l’action et vogue la basse. L’album-vampire est le plus connu, sans doute parce que le lien entre un film de la Hammer et le dub façon Scientist est évident, faits pour se rencontrer. Mystérieux, excitant, un peu lent, sérieusement décalé. Mais Scientist n’en a cure et se proclame champion poids lourds à vingt ans, dès le début de sa carrière, en posant un son, une esthétique qui le porteront à la victoire, à la coupe du monde de football et à la défaite des forces ennemies galactiques.