Jozef Van Wissem › The night dwells in the day

Avec son chapeau, sa redingote noire, son énorme croix, il a l’air d’un prêcheur d’un autre temps, un peu sorcier, brandissant son instrument comme on brandit un talisman, non pour repousser l’obscurité mais l’unir à la lumière. Un instrument inhabituel, le luth, que Jozef Van Wissem, néerlandais exilé aux USA, ami de Jim Jarmusch entre autres, a décidé de ‘sortir du musée et de l'intégrer à la musique d’aujourd’hui’. Né durant le confinement, ce disque à la gravité profondément religieuse s’articule autour de pièces pour luth principalement instrumentales et mélancoliques avec jeu en arpèges jouant sur le minimalisme et la répétition pour créer un état de transe dans lequel auditeurs et auditrices peuvent se plonger. Deux morceaux sont chantés, le magnifique ‘The call of the deathbird’ où la voix prêchante, presque menaçante de l’artiste est soutenue par les choeurs de Hilary Woods pour une ambiance baroque, mystique et sombre et ‘The day of the lord’ qui clôt l’album. Difficile de ne pas songer à David Eugene Edwards mais dans une perspective européenne, fille de la pierre des calvaires et des forêts médiévales plus que des grandes plaines. Toute la puissance du luth est magnifiée dans les notes cristallines et tristes de l’instrument; quelques discrets effets, quasiment aucune percussion, exception faite du premier titre et du final, nul besoin de plus. Il y a quelque chose d’un chemin de croix gothique derrière cet étrange prêche annonciateur de destruction autant que de lumière, une forme de quête de rédemption. Une oeuvre quoiqu'il en soit fascinante mettant en valeur un instrument aux courbes superbes tout comme ses sonorités mais relativement peu commun hors des circuits classiques ou world music.