Ignoble › À l'écart - Afsondret

On a beaucoup écrit sur l'inconfort de vivre, mais aussi beaucoup sur le confort de la mélancolie, de la haine, de la réjouissance suave à l'idée de détester des gens, parfois à les rendre fous, à les manipuler, à se satisfaire de leur misère pour bien justifier notre propre malheur. On pourrait d'un côté considérer cela comme des gamineries dont même les enfants ne sont capables, et trouver cela révoltant avec la boîte à baffes prête à balancer la sauce. Mais il faut aussi regarder les choses en face et se souvenir qu'on est tous passés par là, nous les cris humains, les larmes, les coups de poings dans la gueule, nous les tripes tordues, les insomnies et les larmes, crispations, acidités, pour une minute ou dix ans, tels des junkies fixés au désespoir et à la haine, les deux frangins siamois aussi toxiques qu'une usine d'élevage porcin bretonne. N'empêche, qu'on ait besoin de s'en sortir ou non, ce genre d'album permet de se le rappeler, ou de se cocooner au moins dans la détresse de quelqu'un d'autre : c'est pratique. Et comme souvent dans le black metal tristesse, ou le doom metal "fait la gueule", la formule magique pour une bonne réception à la maison réside dans la beauté des harmonies et dans le talent à établir des paysages sonores, mentaux, des volutes presque rassurantes, hypnotiques... "confortables", et c'est ici le cas avec "Ignoble", collaboration internationale de la dépression hostile faite musique. Un duo qui arrive à toucher cette substantifique moelle de l'expression désespérante des gens qui n'ont plus que de la bile en eux. Parfois oui, ça marche ("Abjects" surtout "Antipathie" et "Néant", bien percutantes), parfois un peu moins ("Isolement" un poil moins riche à mes oreilles), parfois on peut trouver tout cela "ignoble" ou "abject", parfois on peut se sentir bien en écoutant agoniser des musiciens bien produits, dont le sérieux et la concentration font rougir. De honte, ou de rage ? Trouvez votre curseur, "chers contemporains".