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Ghost (Jap) › Lama Rabi Rabi
informations
Enregistré par Masaki Batoh et Kohei Amano.
Photo : Mitsushiro Hiruma. Artwork : Junko Kawakami et Yumiko Yada.
line up
Masaki Batoh, Michio Kurihara, Kazuo Ogino, Hiromichi Sakamoto, Junichi Yamamoto, Iwao Yamazaki, Fuji Megu
chronique
Avec son départ tout en drones, paquets de timbres et mélodies sinueuses, rythmes fluides et sourds – vielle à roue, flûtiau, percussions qui jouent les tablas, chant perché mono-syllabe en arrière-plan... – Lama Rabi Rabi plonge tout de suite, vous happe dans son ambiance liquide mais épaisse. Le son a changé, a pris de l'ampleur – le groupe sort cette fois-ci directement son disque, pour la première fois, sur Drag City, label américain « indé » mais de quelque envergure, il est possible que les moyens de production mis à disposition ne soient plus si modestes... Les couleurs du brouet, pourtant, ne changent pas tant que ça – le propos, l'esprit, restent les mêmes. On est encore dans ce monde parallèle, où la certitude a cessé : de croire que nous sommes celles et ceux du réel, que ce sont d'autres – morts, entités... – qui nous hantent. Et si nous étions, nous, ceux et celles qui errent – nous campant, dérivant dans les espaces liminaux, oniriques, à la lisière d'autres consciences qu'on ne saurait appréhender vraiment, qui ne sauraient, non plus, nous saisir complètement ?
Lama Rabi Rabi circule dans ces zones là – difficiles à situer, faites pour ne pas tenir sur les cartes, dans les plans. Mais indéniablement présentes, sensibles. Une musique toute de sensation mais qui s'emploie, en même temps, à mêler les stimuli – à faire se mélanger les zones, les noms des sens. Une musique plus riche – et plus en place – que jamais. De plus en plus écrite, peut-être bien. Une place de plus en plus grande, pourtant, sans doute, laissée aux moments improvisés, au lâcher-prise sur telle ou telle boucle, autour d'une mélodie, d'un mode. Tout s'articule pour qu'on reste dans le dédale – qu'on s'y sente bien, détaché.e mais déterminé.e. Tout est poreux, les signaux, formes, consistances, s'échangent – les ballades concises déperlent de la même rosée psychotrope que les plages en longues jam, les tourneries dessinent des lignes aussi nettes que les chansons. Il y a même une sorte de chant de marins, de pirates, baroque mélancolique et rêche – Who Found a Lost Rose in the Warship ? Les arrangements sont toujours plus riches – toujours plus justes. La guitare de Michio Kurihara trouve complètement sa place – intégrée comme élément à part entière du groupe, multipliant les perspectives, les matières, textures, incroyablement diverses (leads saturés, nappes slidées ou nids de fréquences bourdonnantes, séquences d'accords doucement arpégés ou fermement fichés...). Elle structure – et elle ouvre, porte les compositions là où les autres, avant, n'auraient pas sur aller.
Rabi Rabi est un lieu spécial, oui – de cette discographie de toute façon particulière, jamais complètement cernée, irréductible. Il respire une joie de jouer assez singulière – propulsée par ces nouveaux moyens que le groupe est en train de se trouver, qui semble les émerveiller autant que nous (technique instrumentale de plus en plus exacte et multiple, définition sonore affinée...). Batoh et les autres semblent se réjouir – et s'étonner ? – que ces capacités nouvelles, ces moyens tout neufs n'émoussent pas l'inventivité de leur musique, n'entame pas sa force poétique, n'en abîme pas cette beauté qui a toujours tenu – aussi – dans le non-dit, le non-formulé, la part d'interprétable et le non-explicable, cet équilibre entre évidence et insondable.
Rabi Rabi n'est pas qu'un point de départ, ni un aboutissement. Il est un moment plein, accompli, mais qui ne referme rien. La suite sera multiple, encore – telle ou telle des directions prises ici s'y continueront, parfois l'une le temps d'un disque, parfois encore mêlées mais sans rien redire... Reste qu'avec les années, oui : c'est l'un des disques de Ghost auxquels je reviens le plus souvent, dont l'intensité ne se délite pas, que je découvre, retrouve sans cesse autre – mais intégralement soi, impossible à confondre. C'est autre chose qu'un tour de force. C'est beaucoup mieux qu'une heure perdue. Ça se tient dans sa lumière propre. Ça tient de la lumière pure – subtile ou tranchée, selon, mais jamais aveuglante pour vous faire croire que l'illumination serait là – destination atteinte.
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- Klarinetthor › Envoyez un message privé àKlarinetthor
Wowow, bad bone et son kraut acid... pas prévu au menu celui-ci.
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- Tallis › Envoyez un message privé àTallis
Non, pas essayé, je note, merci !
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Ah oui, ça fait déjà un bel écart stylistique ! Tu avais jeté une oreille à Kikagaku Moyo ? C'est pas vraiment la même musique mais je trouve que par passages ça peut être... Compatible, disons. (Je pense surtout au dernier, Kumoyo Island).
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- Tallis › Envoyez un message privé àTallis
Boredoms et Yellow Magic Orchestra, notamment.
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Oh cool ! Ça vaut le coup d'explorer toute la disco du groupe, si celui-là te plaît, elle est assez variée mais cohérente, aussi.
Simple curiosité, en revanche : c'étaient qui, par exemple, "tes" groupes japonais écoutés/pas aimés ?
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