Dick Dale And His Del-Tones › Surfer's choice

Tout est trompeur dans cette image d’Epinal, le surf est un sport dangereux (entre rouleaux, courants, requins…), nombre de ses adeptes sont des gens épris de liberté, un peu anars, partageant souvent leurs temps entre fêtes la nuit et défonce à l’adrénaline le jour, alors quand l’un d’eux, guitariste passionné au jeu réputé puissant décide de créer une musique exprimant les sensations liées, elle se devait d’être sauvage. Richard Anthony Monsour, pardon Dick Dale, puisque c’est de lui dont il s’agit, va développer un jeu combinant bourdon et usage extensif de la réverbération poussée à fond; de par ses origines familiales (libano-polonaises), il aura aussi l’idée d’intégrer des éléments orientaux dans son rock’n’roll. Son premier album paru en 1962 se distingue de la masse par quelques pièces dont le cultissime ‘Misirlou twist’ mêlant un jeu ultra puissant et des cordes orientales absentes de la version popularisée par Tarantino mais aussi l’excellent ‘Surfing drums’, plus saccadé mais tout aussi fort et menaçant. Si le jeu de guitare avec ses fuzz est impressionnant, il serait honteux de négliger la batterie dont le jeu sauvage et tribal a dû en influencer plus d’un, à commencer par un certain Keith Moon. Même sa construction est spéciale puisque le chant n’apparaît qu’après plus de deux minutes instrumentales. Je retiens également le très bon ‘Shake’n’ stomp’ avec sa guitare épique (Dale n’a clairement pas usurpé son titre de ‘Roi de la surf guitare’) et son saxophone criard. Tout n’est pas que rythme et sauvagerie, le disque inclut aussi quelques morceaux plus calmes, souvent chantés. Si ‘Sloop John B.’ dégage une belle mélancolie nostalgique, des chansons plus mièvres comme ‘Night owl’ ou ‘Peppermint man’ n’apportent pas grand chose si ce n’est prouver que l’homme sait chanter. L’autre pièce qui remportera un succès phénoménal sera ‘Let’s go trippin’ devenu un classique aujourd’hui. De nos jours encore, on peut être ébloui par la force et l’agressivité du jeu; Dale, gaucher, joue sur des grattes pour droitiers en en conservant l’accordage original et en inversant les cordes d’où son attaque spécifique, la batterie privilégie un jeu en roulements éloigné d’un quelconque velouté jazzy, le saxophone est mixé en avant… Bref, malgré un titre anecdotique, ‘Surfer’s Choice’ est en réalité non seulement un brûlot des plus méchants pour l’année mais aussi un étalon qui a influencé un nombre incalculable de groupes et de musiciens bien que la surf music n’ait guère fait école tant la patte de Dale sur le genre est forte (comme les Misfits pour l’horror punk). A noter que ce classique incontournable est enrichi de dix bonus dont la version de ‘Misirlou’ version chicano où les cordes orientales sont remplacées par des cuivres mexicains… Et vous savez quoi ? Le mec sur la pochette, c'est Dick en personne.