Wire... un nom si simple... sujet à toutes possibilités. Un nom parfait ? Et puis une pochette qui me rappelle le générique de la série du même nom que le groupe, à un article près. Et c'est bien, ça. Ouais, c'est bien ça. J'ai si longtemps pris ce groupe au nom si simple pour un groupe chiant, le groupe le plus chiant de la vague post-punk même pour tout dire. Comprenais pas Wire. Pourquoi les journaleux sérieux se branlent dessus. Alors soit je suis devenu un journaliste consciencieux, avec des lunettes bien vissées et des avis bien verrouillés... soit j'ai décliqué avec Wire, juste avec mes oreilles, et mon cerveau qui suit comme il peut pour l'expliquer. Ouais c'est sûrement ça. Il m'a fallu vingt ans - "Aaallooo McFly, y a quelqu'un au bout du Wire ?!!!" - environ, pour piger le truc avec ces têtes de cons de punks abstraits. Oui, à travers les écoutes et réécoutes, non pas du même disque cent fois façon Tool, mais en papillonnant dans toute la disco du premier au dernier, sans ordre de préférence : j'ai découvert à quel point Wire est LE groupe retors de cette vague post punk, d'une profondeur assez hallucinante une fois qu'on a débloqué le truc qui colle au mental avec sa musique crypto-abstraite. Accessible en fait par n'importe quel abruti ou ahuri, aussi facilement que n'importe quel groupe post punk ou punk ou rock : les premières secondes de ce 10:20 sont un concentré de dreamy post punk métronomique et millimétré... la section rythmique sectionne grave le rythme et captive à mort... Fatigués Wire ? Usés ? Que dalle ouais. Des strates des strates des niveaux des levels. Voici donc le Wire qui, encore une fois, re-fabrique ses chansons. Radicalement anti-revival dans l'esprit. Ici façon Change Becomes Us un peu, et auto-best of sans nostalgie, ils nous sortent un auto-machin bien chromé et calibré... 10:20 (référence à 5:10 et aux deux décennies connectées), c'est basiquement le groupe qui joue, avec le son plus "post rock à papa" de sa période moderne, des morceaux des années 80. Et ça le fait bien, bien. Écoutez-moi juste cette "He Knows" de sociopathe en état de grâce, un des grands morceaux du Wire adulte, avec ses "we're hypnotized" aux relents Scott Walker (ça faisait longtemps mon salaud). Ou la tristesse sans larmes d'une "The Art of Persistence" (clin d'œil à "In The Art of Stopping" ?) avec son tempo de maniaque et son riff de dépressif. Ou encore la relecture inattendue - beh ouais c'est Wire - de "Small Black Reptile" du mal-aimé Man Scape, supérieure à l'originale, la guitare grince encore mieux ici... et pourquoi pas cette "Wolf Collides" aux échos magiques de post rock inoffensif, qui vient s'incruster dans une strate des limbes façon lamelle ? C'est salement bon, ça. Mieux encore, en remake gagnant : "Over Theirs", qui a la super bonne idée de frapper à la John Bonham par-dessus - merci Robert. Le "Kashmir" de Wire ? Le remix de celle-ci sur IBTABA est relégué aux chiottes si vous voulez mon avis. Wire ne cessent de gagner en patine avec l'âge, en voici quelques preuves éclatantes. Stoppés brutalement par la pandémie de covid19 (ça aurait pu être un de leurs titres !), et en pause depuis, j'espère qu'ils reprendront le fil (...) de cette brillante dernière partie de carrière. En attendant il y a ce dernier album pour les fans, mais aussi une excellente porte d'entrée pour ceux qui veulent découvrir Wire sans se prendre la tête. Froidement recommandé.