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Wire › Mind Hive
informations
line up
Colin Newman (chant, guitares, claviers, stylophone), Graham Lewis (basse, chant, chœurs, synthétiseur, effets), Matthew Simms (guitare; synthétiseurs, effets) Robert "Gotobed" Grey (batterie, percussions)
chronique
"La Ruche de l'Esprit". Quel titre simple et beau, pas vrai ? Alvéoles ou neurones, il y a connexion, ouais. Mais cela cache un truc plus négatif, peut-être - la mentalité de ruche ? À ce stade de leur carrière, Wire semblent faire comme tous les autres vieux groupes... Ils enchaînent plusieurs fois exactement le même disque. Mais : de façon différente. En amenant à chaque fois une variation qui nous les fait voir sous un autre angle. Car quand on a débloqué le niveau - parce que c'est un peu ça Wire : faut débloquer des niveaux comme dans un jeu vidéo bien minimaliste et obsédant, un à un - on voit ce qui meut cette mécanique. Car quand on se familiarise, on perçoit fort les nuances entre chaque. Aussi fort que leurs connexions profondes, fruits du même ADN, descendances de la même pulsion glacée.
Telle cette introduction crispée/crispante "Be Like Them", et son mantra maniaque en guise de refrain. Même si le son est similaire, et la suite de disques depuis Object 47 d'une terrifiante régularité de ton, il est tout aussi effrayant de réaliser combien les gens sont passés à côté de cette dernière partie de carrière, qui semble pourtant la plus dense de leur discographie. Car en même temps qu'ils vieillissent et s'autorisent des chansons simples, du rock/rock alternatif à papa même encore, et de la new wave en retard encore ("Cactused", ou la jangle "Off The Beach" comme sortie d'A Bell is a Cup), ils expérimentent toujours sans relâche, les vieux du Câble ! Par exemple sur cette superbe "Unrepentant" qui est comme en évaporation, en suspension dans l'air, tel un écho aux moments les plus Eno de Change Becomes Us, ou pourquoi pas à un groupe comme Spiritualized ? Et pourtant, ça reste du Wire à 100%. Rêverie éveillée qui forme avec la floydienne "Shadows" un creux bienvenu dans le disque, avant la brillante triplette finale "Oklahoma - Hung - Humming" restant ce qui adhère le plus au casque et aux synapses.
Car dans cette sélection minimaliste, a priori pataude et inoffensive, se cache quand même un de leurs morceaux les plus tordus : j'ai nommé "Oklahoma", encore une fois sans surprise mené par ce tordu de Graham Lewis. "J'ai admiré ton corbillard sexy" chante-t-il avec sa voix de fan de Scott Walker, sur un tempo electro-rock stressé, muant en ligne de basse constrictrice de son cru... Du génie, en toute simplicité, mais personne d'autre que Wire ne peut faire une chanson comme ça ! Meilleur morceau de l'album avec le suivant et de loin... Écoutez-moi juste cette sublime et kilométrique "Hung", aux relents de morceau de Wire pour une B.O. de Michael Mann... ou John Carpenter ? La très grande classe en tout cas. Comme une façon de marcher sur les plates-bandes de Zombi, sans avoir l'air d'y toucher. Une variation sur le "Clay" de Red Barked Tree, au fond, aussi ? Juste un peu de synthétiseur sur ce crescendo implacable et ils te transfigurent leur sauce, les salauds. Mais tranquille, toujours.
Aucune ostentation : comme cette pochette vide qui refuse de tapiner, entre le Double Blanc et un Autechre. Avec ce groupe les tops et podiums s'apparentent dangereusement à des escaliers de Penrose, et les notes en fin de chronique à des chats de Schrödinger. Le son est un écho moderne aux temps d'avant, un truc droit, qui file droit, imprime par linéarité. Juste un coup de marqueur bien droit, ça fera l'artwork. C'est comme ça Wire tu sais... Un album faussement paresseux, où ce Wire troisième phase continue sa progression tranquille, presque invisible - telle cette "Humming" au goût de générique de fin rêveur doux-amer. Un album sorti dans un coin, où ces musiciens se laissent balloter, dériver, emporter, et pourquoi pas disparaître, dans cette superbe dernière phase de leur carrière. En un mot : Crépusculaire.
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- Raven › Envoyez un message privé àRaven
Ah ça, tu penses direct à Bonzo et donc Led Zep sur cette version bûcheronne de Over Theirs. En fait je me suis fait la même reflexion sur cet apprentissage de la chanson rock avec l'âge (je radote encore puisque tout est répété de chro en chro mais qu'importe-manteau) : Wire ont simplement appris à faire du rock à papa. À faire des chansons simples, qui font poum-tchak et que t'as envie de réécouter sans ressentir le besoin de gloser. Juste pour le plaisir pop/rock.
Et oui sur le Drapeau Rose ce qui frappe c'est ce contraste de génie formé par les quelques morceaux plus posés, comme des gros blocs dans le torrent punk. C'est presque du Buffet Froid à ce niveau : on inverse la logique de tracklist classique, en quelque sorte, les pistes longues deviennent des interludes qui te marquent plus que le reste et les ultra courtes sont en surnombre, proto-grind-style. Du coup tu es frappé par des Reuters ou Strange ou Lowdown avant que les "petites" bombinettes punk s'incrustent. "Étonnant !"
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- Giboulou › Envoyez un message privé àGiboulou
Avec le Wire 3ème période, c’est pas compliqué : les morceaux plus lents et reptiliens font assurément partie des tous meilleurs trucs de leur carrière : Hung donc mais aussi Sleep-Walking et Harpooned sur l’éponyme et Over Theirs version 10:20 (où Gotobed se lève du mauvais pied et chausse les pompes de John Bonham qui trainaient dans le studio). C’est quand même marrant qu’un groupe ‘historiquement’ à l’aise dans les tempos rapides (à part les Ramones, qui d’autre qu’eux?) mettent 40 ans à apprendre à faire des morceaux plus lents! Ça a du bon la maturation parfois. Ceci dit, c’est aussi le contraste qui permet cette mise en valeur - déjà sur Pink Flag les titres un peu plus lents paraissaient avoir une profondeur que les autres chansons n’avaient pas (Reuters, Lowdown, Pink Flag, etc.).
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- Raven › Envoyez un message privé àRaven
Hung quand même, énorme ce titre, vision nocturne-Wire, un de leurs meilleurs tout simplement, toutes époques confondues (et accessoirement l'espèce de parasite-sirène qui clignote en fond, façon alarme de bagnole, me rappelle "Leave" de R.E.M... qui est aussi pas un des pires du groupe en question).
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- Raven › Envoyez un message privé àRaven
Deuxième chro en com ! "En pleine nuit, sobre, cet album vaut 6 boules pour sa lucidité." Oui... Enfin surtout l'enchaînement Oklahoma/Hung (plus que les parties dreamy post-Change même si rien à jeter)... la première comme tu l'as dit bien cramée, j'y trouve un je sais pas quoi de Cronenberg dans l'ambiance/le feeling, j'avais pas fait le lien avec les zindiens (à la Room 237 / Shining??)... et Hung pour son côté Wire-impérieux, juste mortel. Réécouté en boucle il y a peu mais tu me donnes envie de le ressortir, avec ces conneries...
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- Giboulou › Envoyez un message privé àGiboulou
Aujourd’hui c’est le « Bee Day ». Je ne l’invente pas. C’est pourquoi il est urgent d’écouter attentivement cet album de Wire. Peut-être le plus cryptique de cette période trop peu connue de ce groupe mais aussi le plus cohérent. Mind Hive : esprit de ruche. Album concept SF/dystopique? Je crois, oui. À la Pink Floyd (The wall). À la Hawkwind période Calvert, celle de 1976-1979. Les abeilles donc. Espèce eusociale. Division du travail - castes - individus interchangeables dans la colonie. Les récalcitrants sont éliminés. Bref, le travail et la norme. D’où cette menace liminaire: « Be Like Them » (Bee like them?). Les injonctions à prendre garde, à ne pas dévier égrènent le début de l’album. « You d better watch your Step » sur Cactused qui signifie en argot « qui ne fonctionne plus » et qui est spécifique à un système technique. La complexité des mots choisis, la diction me font penser à Robert Calvert (Quarks, Strangeness & Charms) sur ce titre assez exceptionnel. Sur Primed and Ready, c’est carrément l’interrogatoire : serais-tu en train de commencer à réfléchir par toi-même ? Off the Beach. Sous ses airs pop/jangle, c’est clairement le morceau le plus cruel de l’album. On parle des « gens » qui s’affairent comme observés d’une caméra de vidéosurveillance. Le refrain et son obsession hygiéniste (washed off, swept out: nettoyer mais aussi déplacer des individus contre leur gré) ainsi que l’évolution palpable des derniers couplets (où il est question de gens qui disparaissent, qui n’ont plus de maison), tout concourt au malaise. Mendiants, Mandeville? Vient alors cette pause Eno-salutaire de deux chansons.Même si les titres se révèlent angoissants (impénitent / ombres du passé, ombres du futur), ils offrent une légère oxygénation avant la dernière partie de l’album. Je me demande si la bande passante sur le titre ne renvoie pas à ce passage (qui sonne très analogique d’ailleurs). À moins qu’il s’agisse d’une bande adhésive mise sur la bouche de quelqu’un… Oklahoma. Morceau le plus cramé de Wire? Saviez-vous que la devise de cet État était ‘labor omnia vincit’? Le travail conquiert tout. On est dans le thème non? Ah et j’oubliais que les peaux rouges (Okla - Homa) se sont faits bien discipliner/asservir/éliminer par la ruche. D’où l’horrible jeu de mots (sexy earth - sexy hearse). Et pour finir, la reptilienne Hung. T’as été rattrapé (Hung) par la ruche. Tes volontés d’émancipation ne sont qu’un moment d’égarement, de doute. Mais c’est fini, tu réintègres l’esprit maison (Hummings: I can’t quite remember when it went wrong). Moi non plus je ne me rappelle plus à quel moment ce monde est parti en couilles. En pleine nuit, sobre, cet album vaut 6 boules pour sa lucidité.
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