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Wire › Change Becomes Us

cd • 13 titres • 48:45 min

  • 1Doubles & Trebles
  • 2Keep Exhaling
  • 3Adore Your Island
  • 4Re-Invent Your Second Wheel
  • 5Stealth of a Stork
  • 6B/W Silence
  • 7Time Lock Fog
  • 8Magic Bullet
  • 9Eels Sang
  • 10Love Bends
  • 11As We Go
  • 12& Much Besides
  • 13Attractive Space

informations

Basé en partie sur des morceaux des compilations lives Document & Eyewitness et Turns & Strokes.

line up

Colin Newman (chant, guitares, mellotron, orgue, piano, mandoline, basse, production), Graham Lewis (basse, chant, guitare baryton, piano, synthétiseurs, claquements de mains), Matthew Simms (guitares, mellotron, claquements de mains), Robert Grey (batterie, percussions, claquements de mains)

chronique

Wire au couloir rouge étrange... Il y a quelque chose au bout de ce couloir. Quelque chose de magnétique, quelque chose d'un peu angoissant. C'est fou, comment un simple couloir peut embraser l'imaginaire, hein ? Wire est ce groupe aux corridors temporels secrets, et ici il lie - sans concept juste "parce que ça c'est fait comme ça" comme souvent avec eux - le testament live expé-radical de sa première période, avec sa troisième phase au son beaucoup plus doux et aérien, exprimant la plénitude de l'âge canonique sur son propre label. Soit des morceaux des extrêmes Document & Eyewitness / Turns & Strokes, utilisés comme amorces plus que retravaillés... pour donner une musique beaucoup plus accessible, presque à l'opposé du spectre. Moins rêche, plus fraîche. Moins expérimentale, plus rock/pop avec du sombre et de la lumière, tamisée surtout. Clair-obscur. Manipulations, manigances aux accents tièdement séducteurs : tout est sous contrôle comme toujours, avec une touche After Hours. Nocturne, en fait, versant errance en bâtiment abandonné. Noctambule, tendance insomniaque. Wire, musique des heures blanches. Wire, musique de la nuit.

La nuit... Quand il n'y a qu'une lumière d'un bureau resté allumé, dans un bâtiment froid, parfois celle de la veilleuse d'une sortie de secours, cela donne un tout autre visage à ces lieux de travail si insignifiants la journée. Ils ont l'air moins vides, que quand ils sont pleins d'humains... Voici une des clés qui m'ont permis d'accéder à la musique de Wire : l'écoute seul, de nuit. Où on peut alors savourer des morceaux en écho moderne post-gaze-dream aux bruitisme post-punk/indus, dès cette "Ally in Exile" revisité en guise d'intro, et ces "incommunicado" comme sectionnés par Newman, obsédants... C'est dans cette ambiance d'errance nocturne que l'extrêmement obsédante de "Time Lock Fog" (version moins barrée mais plus sournoise de "5/10"), s'est révélée à moi, par sa ligne de basse sinistre et addictive de Lewis, ses effets troubles mentaux, spectraux, au centre desquels l'impassible Newman fait office de pivot - lui qui a en 2013 cette voix toujours plus lisse et synthétique, comme trafiquée en post-production par des scientifiques, comme passée au filtre à égaliser/lasériser la passion, puis posée comme une fine gaze sur les instruments... Effrayant de magnétisme, ce morceau. Un des titres les plus rampants et addictifs de Wire, qui me projette dans cette pochette, et qui revient me hanter parfois quand je marche la nuit... Même dans les moments mous : quelque chose retient l'attention. Comme dans ce couloir. Notre imagination doit aller au fond - et la musique l'y aide.

Au fil de mes fugues et stations, j'ai donc réalisé sa fraîcheur à ce Wire. Qu'il était au fond pas le meilleur, mais assurément l'un des plus charmeurs. La faute au Mellotron ? La faute à la nouvelle jeune recrue à la six-cordes, qui apporte ce côté "rêveur", pas dream pop ni post rock mais... un peu des deux dans l'effet ? Je ne sais pas, mais sous sa pochette assez kubrickienne au corridor rouge, ce Wire est vraiment l'un de leurs disques où on a l'impression d'écouter un groupe sympa. Ouais. En diurne ou en nocturne. Alors se rélèvent les pépites douces de ce disque comme flottant dans leur discographie, entre plusieurs humeurs : "Adore Your Island" et son attaque qui me rappelle carrément The Who, puis ses accélérations-décélérations vertigineuses, jusqu'au final noise-indus... "Re-Invent Your Second Wheel" comme du The Cure revisité par un nerd autiste qui aligne des chiffres et des lettres... Cette "Love Bends" aux relents Gary Numan/Tubeway Army sonne comme un tube de new wave d'un obscur groupe qui n'a jamais été reconnu - super-frais !... La subtilement envoûtante et pénétrante "Magic Bullet" démontrant leur utilisation fantastique de la réverb, et préparant le terrain au brillamment terne album sans-titre... "Stealth of a Stork" le missile pop-punk irrésistible, comme un retour de Pink Flag en 2013 et toujours aussi frais, faisant la nique au skate-punk ! J'te les biserai tiens, ces foutus anglais compassés, si j'avais pas peur de me faire inviter à un colloque d'art contemporain... "& Much Besides" et ses relents étrangement Eno-esques et printanniers... La tonalité tranquillement sublime sur le final, et son vocoder doux, ses guitares déchirées avec infinie tendresse... Wire onirique à mort, en toute simplicité. "La classe" ?

La musique de ce Wire qui re-re-Wire, elle respire. Y a de l'oxygène à revendre dans ce disque d'escomptés asphyxiants. Change Becomes Us : album le plus atmosphérique du groupe ? Agréable oui, tout simplement... et profondément différent. Ces musiciens vieillissants restent d'une fraîcheur d'expression remarquable. Et tissent à partir d'une expérimentation a priori inutile, un album entre rêveries et énergie, errances et fulgurances. Il y a les morceaux qui fusent, et les morceaux qui errent... Tracklist-ponctuation, Wire enclenché. Tempo parfait, contrastes de maîtres tranquilles. Les changements internes au travers des décennies, internes aux musiciens... les passerelles et les mutations. Il y a les plages atmo voire ambient, et trucs vraiment de l'époque post-punk tels quels (la crispy-crispée et kraut-indus "Eels Sang", qui pourrait venir du second ou troisième Killing Joke, seul morceau taré du disque, sans surprise chanté par Lewis). Il y a le solide, il y a le gazeux. Et la musique est tout le temps redoutablement liquide, même quand elle est hachée-hachurée à mort. C'est l'un des paradoxes savoureux de Wire, ces tranquilles miracles qu'ils peuvent accomplir, avec l'air de remettre du papier dans la photocopieuse. L'effet Wire, l'effet old Wire : une discrète mystification, aux airs de protocole kafkaïen, de mirage d'abord frustrant puis fascinant. Inocuité de surface. Chemins de traverse. Un couloir, ce couloir, qui mènera on ne sait où, vers là-bas. Ou ailleurs.

Très bon
      
Publiée le vendredi 16 mai 2025

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Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

C’est en 2013 et à l’occasion de cet album que la notion d’  « Eno-anxiété » s’est naturellement imposée.

Raven Envoyez un message privé àRaven
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Les pochettes reflètent assez bien les albums respectifs, disons. Red Barked Tree a des moments brillants ("Adapt" / "Smash" surtout), mais je crois que ce sentiment "dream-wire" de Change joue en sa faveur comparé au précédent. Question d'ambiance plus immersive ici en fait... Et il y a aussi la question de l'ouverture qui doit jouer sur ma préférence : "Please Take" est rigolote, mais elle se fait plier par l'adorable "Doubles & Trebles". Pareil pour le titre final de chaque disque : je préfère celui-ci.

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Aplecraf Envoyez un message privé àAplecraf

Curieusement, j'ai l'impression que tu décris ce que j'ai plutôt ressenti sur Red Barked Tree.

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