Venin Carmin › Toxic legends

Le troisième essai pour Venin Carmin est celui de la force et de la fragilité, le plus intimiste, le plus audacieux également… Vous souvenez-vous de cette époque où la pop convoyait des messages autres que ‘c’est pas gentil d’être méchant’ ? Sans surintérpreter, plusieurs pièces de cet album sont de cette trempe selon moi et le plus remarquable, avec une économie de paroles bluffante. Je suis toujours admiratif de cette qualité d’écriture apte à véhiculer beaucoup avec simplicité; prenez le premier morceau: dark pop pêchue martelante avec ces uniques paroles répétées ad Nauseam tel un mantra macabre: ‘The girl you love, the girl you kill’ avec derrière la rythmique punchy, la fougue, une petite ligne de synthé plaintive et glacée. Peut-on imaginer meilleur manière de dénoncer les féminicides ? Et que dire de ‘No one knows’ au final triste sur une loop funèbre avec entre autres ces mots : ‘Me or him ? True or false, no one knows at all’. Le choix de ‘him’ au lieu de ‘you’ démontre selon moi l’introspection purement personnelle de l’artiste se mettant à nu alors qu’il eût été si simple de traiter la question comme un dialogue. Qu’on ne s’y trompe pas, ‘Toxic légende’ n’est pas un traité de philosophie et il est aussi possible de le déguster au premier degré (encore que, la fougue dont fait montre Venin Carmin sur scène voile peut-être la profondeur de la démarche …). Des chansons telles que l’excellent ‘Like I’m dead’ ou ‘H2D’ dégagent une énergie dansante et contagieuse donnant envie de sauter en l’air. Le soin apporté au choix des sonorités apporte pourtant une dimension supplémentaire, je n’en démords pas. Si la voix de Lolita de Lula peut sonner inoffensive, presque 'nunuche', sur les premières mesures, très vite, enveloppée de la musique, elle dévoile un suc émotionnel pernicieux, mystérieux, presque mélancolique dans son mélange de force et de fragilité. Le groupe se montre également audacieux en signant un ‘Trigonometry’ de plus de sept minutes, nettement plus triste, trouble, pas toujours si éloigné des travaux du genre de Minuit Machine (une vraie réussite à mon sens). Malgré un amour de la pop revendiqué, ‘Toxic Legends’ se révèle en réalité un disque à double tranchant, incisif et fort, plus proche d’une danse de Salomé que du bal de Cendrillon.