Funeral (nor) › Tragedies

Un terrible classique. Les larmes, ça ne fait pas semblant de toute façon. Il y a celles qui coulent sur des joues chaudes, encore rougies par l’émotion ; elles évoquent encore la vie, l’espoir qui file sur l’horizon courbe. Et il y a celles que l’on ne voit pas, une pierre qui recouvre le corps, sans rien oublier. Pas le choix, il faut tailler, il faut *sentir*, pour vivre, pour savoir. Exister, ce sera pour la prochaine.

Ce ne sera pas long cette fois, pas besoin d’images à la con comme tout chroniqueur se doit d’allonger au fil des phrases : deux des protagonistes de ce disque passeront l’arme à gauche quelques années après, laissant cet album comme épitaphe. Ils n’auront pas à rougir eux, on les comprend bien.

Leur propos, on le connaît certes, mais à l’époque, c’était la première fois que le Funeral doom se présentait ainsi : beau et pur.

Gras dans ses guitares, aérien par la voix de Toril Snyen, lourd évidemment, mais surtout, dramatique. Adieu la boue et la cendre, ce disque, c’est la bande son de quelque chose de grave qui vient d’arriver, là juste à côté, entre la 4eme et la 5eme côte, et la panoplie pour le raconter se révèle plus large qu’à l’accoutumée : vocaux sopranos, violon, guitares classiques… Tout le vocabulaire à guimauve est là mais chez Funeral il y a cette différence nette : il s’agit bien là de Funeral Doom qui va parfois fricoter avec le gothic doom à l’anglaise, et non l’inverse.

Ici on ne décrit pas la perte, non, on *veut* mourir, et toril nous accroche, elle nous tient, nous maintient dans cette espèce de relaxation morbide. En fait, on est bien chez Funeral, chaque note est jouée comme si c’était la dernière, tout y est déjà si parfait, tout y a été dit, dès le départ.

Je ne sais pas si on peut vraiment parler de chef d’œuvre, il se réfère trop à l’émotion, aux tripes, chacun y trouvera ce qu’il a envie, du vide, de la joie, de l’apaisement ? Cet album il m’a marqué, à une époque où j’arpentais cette scène. Il a marqué tout le monde en fait, le premier à aller si loin dans la dépression- avec Worship - mais avec un musicianship accompli… Et un contexte, lui aussi terrible.
Décidément, chez les Norvégiens cela semble important de lier les actes à la parole, il suffira de regarder la cover du « Suicidal emotions » de Abyssic Hate, consistant en une photo du bassiste de Funeral, pour le comprendre. L’album se trouve par ailleurs coupé en deux sessions, la seconde étant la démo « Beyond all sunsets », étonnamment plus équilibrée et mature, tranchant avec la démo précédente « Tristesse » qui suintait plus la cave à momie que les routes du paradis.

Naiveté oblige, certains choix paraitront désuets, surtout avec l’omniprésence de Toril, mais l’influence de cet album reste aujourd’hui encore palpable dans la scène, comme quelque chose de vrai, de maintes fois copiés avec respect. La classe.