Wire › IBTABA (It's Beginning To And Back Again)

Wire étaient quand même en avance, même dans leurs années de retard sur New Order : regardez-moi cet emballage hyper minimal-moderne avec le noir & blanc + la photo au carré + l'acronyme en police Arial Black. D'accord, on fera jamais mieux que le Double-Blanc des Beatles comme avant-garde esthétique minimale qui plie le game... mais en 1989 Wire peut encore faire plus austère, c'est un exploit. Dans le son aussi ? Leur ouatage sur A Bell is a Cup aura aidé à voir leur côté "gentil", Colin Newman a pu se faire plaisir avec son It Seems... Place à une phase plus bricoleuse de leur carrière. Allez : IBTABA ou l'acronyme le plus moche, pour un album mi remixes mi ré-enregistrement, dans la droite lignée du précédent - et annonçant en même temps leur phase la plus electro... Un peu plus alterno-dance/house dans le feeling que son prédécesseur donc, certainement. Un piano - c'est rare chez Wire - et même une touche un peu U2 sur ce morceau d'introduction, pourquoi pas... du U2 early eighties revu et corrigé par ces autistes maniaques, bien sûr, la musique populaire est toujours déformée par le prisme flippé du Wire. Une approche New Order encore (après tout Wire influencèrent Joy Division - la boucle est bouclée !) a travers un titre comme "Eardrum Buzz" ("Acouphène" !), ce qu'ils font de plus proche d'un hit single à l'époque. La débilité du refrain est calculée, comme le reste... Tout cela est agréable, mais trop fadasse messieurs du Câble... "German Shepherds" est beaucoup plus réussie, ces étranges bergers allemands formant un de leurs meilleurs morceaux poppy new wave, aux paroles psychédéliques (auxquelles fait écho le titre absurde de l'album) et à l'ambiance presque gothique... À partir de là, l'album réveille un peu la face obscure du Wire, et délivre une pièce de choix : l'inquiétante "Public Place" et son ambient électronique ; puis le disque dérive dans ces remixes exigeants-paresseux, telle cette "Illuminated" qui ne va nulle part, qui nous dit qu'il ne se passera rien. Ou presque rien, puisque même dans cette impasse de leur carrière, Wire commence déjà à expérimenter ses sons atypiques sur des trames electro très linéaires et a priori basiques ("The Boiling Boy"), façon laboratoire post-post punk, qui les fera sortir Manscape puis The Drill, et les mènera enfin au plus abouti The First Letter. L'interminable remix de "Over Theirs", truffé de sons stéréophoniques et métalliques et in(du)solites mais n'allant vraiment nulle part, formant avec ses neufs minutes kilométriques le point de l'album où je me dis "mais qu'est-ce que je fous encore là, au lieu d'être sur The Ideal Copy ou Snakedrill ?!" En définitive : un disque d'une période d'hybridation-transition mal aimée, dont tout le monde se fout, mais... ce n'est pas dramatique du tout ! Il passe sour cream, même si je n'ai jamais envie d'y revenir, contrairement aux deux précédents ou à The First Letter. IBTABA reste en élément hybride flottant, dérivant dans cette lointaine année 1989, comme un spectre un peu sombre et un peu expérimental dans la neige du téléviseur.