Tindersticks › Waiting for the Moon

Entre nous, je ne sais même plus pourquoi j'ai acheté cet album. Je me gratte le crâne devant cette pochette "classemoche" de Mrs Staples, en trombinoscope sépia arty-stique, fusain, qui sent le fond de rayon alternatif des années 2000 et ses petits disques en carton. Ce digipack à texture de canevas, proposant une satisfaction digitale certaine, me semble compostable. Preuve que Staples & co. avaient encore visé le long terme, même avec un album en demi-teinte. À l'époque de l'achat, quelques années après la sortie, je devais être un peu complétiste, et il ne devait y avoir que celui-ci de disponible chez le disquaire. Je me suis donc retrouvé avec ce Tindersticks de milieu de semaine, aux mélodies routinières. Bien fait, très bien fait même. Agréable. Parfois pile de chez pile à la lisière, comme ils savent le faire, entre l'assommant et le somptueux ("Sweet Memory", ou pire encore l'ample "My Oblivion"). Et parfois juste chiant. Là où la chamber pop vire au pot de chambre, en quelque sorte. L'ambiance s'allège, dans de la ballade à la Velvet comme "4.48 Psychosis", ou dans du Tindersticks bobo, sans le "allo maman", façon promenade montmartroise ("Just a Dog"). Malgré des moments de grâce ou la frôlant majestueusement, telle l'introductive berceuse morbide "Until the Morning Comes" aux relents de féminicide, mais chanté comme "Suzanne" de Leonard Cohen - enfin je pense à cette chanson-là à chaque fois, c'est inévitable. Staples interprète cela avec son crooning habituel, sans bouleverser ses habitudes, peut-être un peu plus aigu. "Hush now, darling, I can hear your screaming". On est un peu dans l'esprit d'une "Diane" de Bob Mould, en plus trouble, et avec le pathos étouffé, oxymore dans le satin. Mort et petite mort encore, Thanateros et tout l'tintouin. Pas très loin, la très jolie "Sometimes it Hurts", avec la regrettée Lhasa de Sela, un titre qui semble avoir déçu beaucoup d'amateurs de cette dernière et de Staples, mais reste un de leurs duos les plus réussis assurément, tout dans la délicatesse, la langueur, mais pas sans émotion (et impossible avec une invitée pareille). Pour le reste ? Rien de nouveau sous la Lune. Tinders by numbers... Lightsticks. Alors, à quoi sert Waiting for the Moon, quand on a les trois premiers Tindersticks ? À rien. Ce que me suggèrent les gentils tintinabulements un peu Yann Tiersen du morceau-titre, et sa tristesse au boisé consensuel (je pense à Tiersen aussi parce que les trombines façon photomatons ratés de la pochette me rappellent un peu Amélie Poulain, aussi). Auteurisant, paresseux, hanté par accès, ou accident. Nous dirons afin de résumer simplement, que cela s'écoute un peu comme du R.E.M. à deux de tens'. Penaudement.