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Tindersticks › Curtains

cd • 16 titres • 60:02 min

  • 1Another Night In
  • 2Rented Rooms
  • 3Don't Look Down
  • 4Dicks Slow Song
  • 5Fast One
  • 6Ballad Of Tindersticks
  • 7Dancing
  • 8Let's Pretend
  • 9Desperate Man
  • 10Buried Bones [avec Ann Magnuson]
  • 11Bearsuit
  • 12(Tonight) Are You Trying To Fall In Love Again?
  • 13I Was Your Man
  • 14Bathtime
  • 15Walking
  • bonus track
  • 16A Mariage Made in Heaven [avec Isabella Rossellini]

informations

line up

Stuart A. Staples, David Boulter, Neil Fraser, Dickon Hinchliffe, Mark Colwill, Al Macauley

Musiciens additionnels : Dickon (arrangements de cordes), Jesús Alemañy (arrangements de cuivres, trompette), Ann Child, Becca Ware, Harvey Brown, Rob Spriggs, Sophie Sirota (alto), Becky Doe, Calina de la Mare, Caroline Luckhurst, Charles Nancarrow, Chris Koh, Dmitri van Zwanenberg, Howard Gott, Jonathan Acton, Lucy Wilkins, Paul Medd, Ruth Gottlieb, Susannah Marsden, Ted Wood, Victoria Evans (violon), Anna Chalmers, Oliver Kraus, Sarah Wilson (violoncelle), Lucy Shaw (contrebasse), Lisa Graham (saxphone ténor), Joe de Jesus (trombone, flûte), Ann Magnuson (chant sur "Buried Bones"), Isabella Rossellini (chant sur "A Mariage Made in Heaven"), David Patman (bongos)

chronique

"Rideaux"... Qui intitule son album ainsi, et lui colle une pochette comme celle-ci, bon sang ? Ça a l'air de rien, hein, comme ça. Mais m'est avis qu'il faut avoir une sacrée paire de valseuses au séant pour valider un titre pareil sur un emballage pareil, entre nous : juste un bout de papier peint ou de tissu, au motif floral classico-kitsch, comme chez mère-grand. Un emballage presqu'anodin pour une musique qui se veut toujours fort lancinante, et déprimée. Et comme on le sait : la dépression comporte fatalement sa part non-négligeable (et effroyable) d'ennui. Le nœud du paradoxe Tindersticks : l'ennui bouleversant. Dès les cordes tragiques de la magnifique "Another Night In", le style Tindersticks exprime sa flamme, sans larmes mais le cœur lourd derrière la poche à mouchoir. Des violons au crooning. "Doesn't matter where she is tonight, or with whoever she spends her time"... brrr... "If these arms were meant to hold her, they were never meant to hold her so tight"... re-brrr... Rideaux redonde, mais abonde en émotion. Quelque part entre le I et le II sans titre, pour le décor et la teinte émotionnelle. Avec un sentiment de mollesse accrue, comme d'égarements resserrés. À l'image d'une "Rented Rooms", cliché aux airs d'archétype, de ce qu'est un morceau de Tindersticks. Presque sans aspérité. Presque trop lisse, et tout est dans le "presque" - ou presque. J'étais trop jeune, je crois, la première fois que j'ai entendu cet album : c'était alors une déception, avec même le sentiment d'une redite radicalement inutile, de mémoire.

J'y entends à présent une variation sur un même thème, peut-être moins riche, moins franche dans ces changements de décor, mais discrètement aussi variée... Où Tindersticks apprennent à faire moins long (contrairement à certains), en faisant ce qu'ils savent faire, déjà comme des professionnels aguerris par plusieurs décennies. Ils frôlent ici la formule, certes. Mais ils offrent aussi quelques-uns de leurs plus beaux morceaux. Dans un disque qui reste un spécimen parfait, pour illustrer ce sous-genre un peu trop hardiment appelé Chamber pop. La "pop de chambre" vraiment ? Pour la partie "chambre", d'accord : avec les rideaux tirés en plein jour, évidemment. Chambré, aussi : le vin se boit ici à température ambiante, tant le millésime est fin de chez fin. Mais pour la pop... on devrait peut-être enfin le re-nommer ce genre musical, parce que "pop" pour une telle musique ça ne va vraiment pas, baroque pop, jadis, passait encore, mais ici, il y a tant de choses éloignées de ça, et avant tout la voix de Stuart Staples... qui est une des plus singulièrement belles qui soient, il faut quand même le dire, même si ça fait un adverbe de plus. Toujours tenu, jamais ténu, ni avare en émotion, il exprime à travers son quasi marmonnement des choses belles et des atroces, dans une ambiance où s'expriment avec passion tranquille les instruments lustrés avec amour, tous serviteurs d'un spleen encore plus bourgeois, et monté comme un liégeois, un blues de salon, de romantismes nourris au brandy hors-de-prix... mais cachant possiblement des horreurs, me rappelant par ricochet mental, que la voix de Jean d'Ormesson était en fait extrêmement proche de celle de Mason Verger.

Pas étonnant qu'ils finiront sur un Trouble Every Day, ces encostardés-là. Gare au cosy. On peut ronfler sur ce Tindersticks ronronnant, oui... Et avec un peu d'habitude, on peut voir dans un tel album de ces chansons d'affliction, des plus profondes qui soient. Les arrangements de cordes, artisto-maniaques, sont autant de façons de magnifier des inspirations parfois bien sordides, un des trucs souvent dissimulés par le style Staples. Car Tindersticks, ça sent aussi la musique de mecs paumés qui suivent leur ex la nuit. Le truc pas très net. Trouble donc, comme pas mal de ces chansons. Curtains re-fait en encore plus lisse et policé, ce que ces musiciens très sérieux savent faire. Dans une humeur douce-affligée, écorchée seulement par une "Bathtime" plus percutante, ou davantage par "Fast One" et sa dissonance free-machin, Staples faisant son Staples par-dessus comme si de rien n'était... Le reste ronronne dans le spleen le plus fastueux possible. Comme ce duo avec Ann Magnuson, réponse anglaise possible aux Roses Sauvages de Kylie et Nick (en plus de la pochette ?), comme le crescendo ample et enivrant d'une "Don't Look Down", comme le feeling Ian Fleming d'une "Are you trying to fall in love again" (qui prouve si besoin était qu'eux, les gonflants, les lénifiants, sont aussi des maîtres des rythmes enlevés), à l'opposé de la folk cahin-caha d'une "Desperate Man" ou du minimalisme façon "Tom Waits fauché" d'une "Bearsuit" : si c'est dans les deux premiers albums qu'il est à son plus généreux, c'est peut-être bien ici, que leur si singulier sens du morose flamboyant trouve son expression la plus pure.

Même s'il peut faire regarder sa montre ou son horloge, comme sur cette interminable ballade au nom du groupe... ou cette mollissime "Dancing" frôlant le marasme, et pour laquelle le slow sera synonyme de somnambulisme narcoleptique. Là, on arrive à la partie "s'endort à table" du disque. On se fera taper sur l'épaule par la Beauté elle-même : "Let's Pretend". Sublime, même à couper le souffle. À s'arrêter de respirer pour ne pas la gâcher. Un des moments poignants d'un album en fait aussi beau que les deux premiers, sous ses airs de redondance de luxe. Il fallait qu'ils se renouvellent ensuite, par le prisme de la soul, par exemple. Mais ici tout était en place, dans un mouvement d'une souplesse, d'un chatoiement, d'une violence des sentiments contenue dans le velours, aussi soyeuse que vertigineuse. "Rideaux", donc... Serait-ce donc ceux de fin, après la représentation ? Peut-être. Aussi. Mais même avec tout ce qu'elle charrie de tragédie dans des décors millionnaires, de vie à côté de laquelle on est passé même si c'était en Rolls Royce : cette musique très cinématographique, ça n'est pas vraiment du cinéma. C'est ârty, c'est t'chaimbeur, et pantouflard comme un rentier dépressif, OK : mais c'est en réalité une des musiques les plus émouvantes qui soient, soignée et soyeuse à souhait, signée dans le sang en secret. Pour peu qu'on y soit réceptif. Un de leurs albums les plus tristes et attachants, blotti dans une nuit qu'on jurerait infinie. Outre le lounge, au-delà des tapisseries et des jolis tissus... Comme des sofas immenses pour âmes esseulées.

Très bon
      
Publiée le samedi 12 avril 2025

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Note moyenne        7 votes

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SEN Envoyez un message privé àSEN

Touché en plein cœur !

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Gouzi Envoyez un message privé àGouzi

Je ne connais pas beaucoup d'équivalents à cet album, chef d'oeuvre de pop orchestrée intimiste et mélancolique. Le Casanova de Divine Comedy sorti à la même époque ? En un un peu plus désespéré et moins kitch peut-être.

Comme je l'avais récupéré en K7 à une époque ou on trouvait le support dans les bacs à soldes, et que j'avais encore un radio K7 in the caisse, je l'ai écouté et réécouté sans jamais me lasser.

Après, comme soulevé dans la chronique, le terme "pop" est problématique, à l'identique de n'importe quel album des Smiths qu'on ne peut pour autant qualifier de rock, même si on y décèle une profondeur et des aspérités antipodiques avec le terme pop. Il y a pourtant une volonté de séduction dans cet album, celle d'envelopper le bonbon empoisonné d'un emballage chatoyant pour mieux donner envie d'y goûter.

Et bien qu'il dure une heure et que l'agonie soit lente, l'envie d'y re-goûter reste tellement cet album tamisée ne manque pas de recoins et de parts d'ombres à explorer.

Message édité le 13-04-2025 à 11:14 par gouzi

Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Aussi bon que l'album qui précède. "Don't look down" me fait penser à un générique de James Bond dans sa partie centrale.

Note donnée au disque :       
Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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Mon seul album de Tindersticks depuis la sortie de cet album. Je crois même que c’est un promo avec le dos tranché à travers le plastique. Découverte d’une voix surtout. Et bizarrement je l’ai jamais trouvé triste ou sombre. Crooner qui en fait un peu beaucoup. Idéal pour siesta si besoin de vibrations basses et veloutées.

Message édité le 13-04-2025 à 11:06 par Rastignac

nicola Envoyez un message privé ànicola
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Leurs futals sont taillés dans des rideaux ?