Deafheaven › Lonely People With Power

Où en étions-nous ? Ah oui, à se gratter la tête, à se dire "c'est quoi ce groupe, c'est quoi cette musique, c'est bon je boycotte les produits américains, vive l'Europe, vive la France, je n'écoute plus que de la musette et je jette mes ray-ban ça va bien maintenant !". Mais en fait non parce que je me sacrifie pour la communauté et remets une oreille sur le dernier Deafheaven, un groupe que je suis chaotiquement depuis leurs débuts chez Deathwish, que je classai dans cette vague toujours pas résolue de black metal très plat, très contemplatif, "atmosphérique" comme on dit, pour s'orienter vers une version trollesque du marketing metal avec utilisation de la couleur rose (boooouh), et carrément en faisant autre chose (pas transcendant) dans le dernier chroniqué tout bleu, même si leur parfois délicate mixité entre post-rock triste et black metal rase-moquettes faisait mouche sur Sunbather ou New Bermuda. Ici, ils reviennent à leurs besoins d’antan, à savoir, re-black metal d'atmosphère, très mélodieux, avec ce mix avec les chansons tristes popinettes qu'on aime bien écouter à la maison, avec petits tricots de guitare, et parfois de belles surprises comme cette participation de Jae Matthews de Boy Harscher sur peut-être le morceau le plus sympathique "Incidental II", un peu noise, un peu doux, un peu rêche... et y a même un gars d'Interpol qui se la joue poète sur "Incidental III", ça met un coup de polish, même si là le morceau ressemble plus à un interlude qu'à autre chose. Côté graphique (le dada des critiques du groupe), la pochette est figurative pour une fois mais quelques petits détails coincent, on se dit "oui, c'est de la prostitution", mais la voiture est vieille, "vintage", un gars a déjà le dos bien allongé, enfin il y a un petit peu d'incongru quand même, ils essayent de rendre le client curieux les Deafheaven. Finalement cet album n'est pas aussi beau ou poignant que leurs précédents (hors Infinite Granite l'anomalie)... mais cette rentrée dans le rang demeure quand même un compagnon pas trop pénible sur notre petit bout de chemin, notre dernière ligne droite. Je ne crois pas que je tomberai bien plus loin dans ces abîmes de réflexion, cette œuvre effleurant juste un tout petit peu les affects qui ont besoin de mise en miroir chez votre serviteur... donc oui, l'abstraction toujours, mais on n'est pas non plus dans les colin marstoneries ou dans du prog stérile, ça reste un petit peu "émotionnel", un petit peu déprimé. De l'hybride quoi, fait pour squatter les charts de manière temporaire, et quelque part encore une calibration qui ne manquera pas de déplaire à ceux qui préfèrent les coloriages bavant sur les côtés...