Sleaford Mods › UK Grim

Je crois bien que je m’étais juré-craché que j’en avais fini avec Sleaford Mods… Serment d’ivrogne. J’éprouve une telle affection pour ces deux loustics qu’il y a toujours un moment où je craque. 'UK grim', la version british du 'American gothic' ? A l’écoute des premiers morceaux, je me dis que c’est plutôt bonne pioche, le titre éponyme est une tuerie et étonnamment riche quant à son instrumentation: rythmique minimale wave sombre progressivement complétée d’une loop de guitares discrète mais rêche, avec même un mini solo vers la fin; Jason Williamson est magistral entre son flow unique et des parties plus chantées donc à priori l’album va tenir ses promesses. De manière générale, les curseurs ont été tournés vers les basses d’où une ambiance bien grise, tout pour me plaire mais rien à faire, ces deux lascars parviennent encore à surprendre, se renouveler, ainsi sur l’excellent ‘D.I. Why’ qui débute avec un simple rythme hip-hop et la récitation. Pourtant, imperceptiblement, Andrew Fearn va glisser des mini boucles éphémères: petite mélodie, un accord de piano sec, des bruits de bulles, chacune s’ajoutant à la précédente l’air de rien, conservant au morceau son aspect ultra dépouillé tout en lui conférant une instrumentation riche. Avec ‘Tilldipper’, les Anglais s’offrent enfin leur tube ouvertement punk mais en édition tellement dépouillée (une boîte au turbo, une basse) qu’on s’en rend à peine compte. Naturellement, certains titres sonnent plus traditionnellement dans la lignée du duo mais quand c’est bon, s’en plaindra-t-on ? Williamson chante plus et c’est très bien, l’homme est vraiment au top de ses possibilités, son flow, sa diction, ses punchlines assassines sont d’une fluidité remarquable. Qui plus est, le duo a fait appel à des invités en complément et pas des moindres: Florence Shaw, Perry Farrell mais aussi Dave Navarro et Phil Booth à la guitare. Attention, il ne s’agit pas d’en abuser, chacun/e n’intervient que sur un morceau et de manière à peine perceptible histoire de ne pas se réfugier derrière. Rien à dire, je suis pétri d’admiration pour ces mecs, leur style est si identifiable dès les premières notes qu’il leur permet de ne pas en avoir et d’expérimenter dans toutes les directions entre tempi lents, rapides, influences post punk, hip-hop, dub, new wave même avec quelques loops de synthé bien senties (le fantastique ‘Smash each other up’), l’irrésistible ‘Tory Kong’ dégage quelque de presque techno avec sa rythmique tribale en plastique. Je pourrais bien entendu mentionner les paroles car personne n’a mis d’eau dans sa bière, il s’agit toujours et encore de se faire chantre des petites gens et de fustiger avec un humour vitriolé les travers d’un pays considéré comme un film d’horreur (‘In England no one can hear you scream’). Groupe assez incroyable, lui-même capable de progresser et de renouveler sa propre formule sans la modifier d’un iota. ‘UK grim’ plus qu’un autre album ? Difficile à dire de manière objective, le concept Sleaford Mods parait simple comme un jeu d’arcade et pourtant même si les parties se ressemblent, on recommence inlassablement. Il est sûr que la barre a été placée très haut avec ce dernier opus en date mais je vais m’abstenir de déclarer avoir fait le tour… Si un nouvel opus est produit, il se pourrait bien que…