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Townes Van Zandt › Our Mother The Mountain

  • 1969Poppy PYS-40,004 • 1 LP 33 tours

lp • 11 titres • 40:26 min

  • 1Be Here to Love Me
  • 2Kathleen
  • 3She Came and She Touched Me
  • 4Like a Summer Thursday
  • 5Our Mother the Mountain
  • 6Second Lovers Song
  • 7St. John the Gambler
  • 8Tecumseh Valley
  • 9Snake Mountain Blues
  • 10My Proud Mountains
  • 11Why She's Acting This Way

informations

line up

Townes Van Zandt (chant, guitare)

Musiciens additionnels : Charlie McCoy (basse, guitare, harmonica, orgue, flûte à bec), Ben Bernay (harmonica), James Burton (dobro, guitare), David Cohen (guitare), Chuck Domanico (basse), Jack Clement (guitare), Lyle Ritz - basse, Don Randi (claviers), Harvey Newmark (basse), Mike Deasy (guitare), Jules Jacob (flûte), Donald Frost (batterie), Bergen White (arrangements pour cordes), John Clauder (batterie)

chronique

Ce monsieur americain, il chantait vachement bien, sous son grand chapeau. Il chantait de belles chansons tristes, derrière ses lunettes rondes, sous ce drôle de chapeau. Des chansons simples, mais que personne d'autre ne pouvait écrire, et chanter comme lui. Chapeau. Des chansons simples qui tapent dans les tripes, la tête, et entre les deux dans ce truc là, qui fait "boum-boum" jusqu'à ce qu'il fasse "clac". Comme un jour dans la poitrine de ce chanteur country au parcours de damné, un gros quart de siècle plus tard. La boisson l'y aura aidé : mais c'est comme s'il avait déjà mis un pied de l'autre côté, par moments, dans ces chansons, tellement elles puent la zone et la mouise... La poésie qui a rendu les armes devant la cruauté du monde, mais qui veut sauver les meubles, orpailler les ruines. S'obstine à voir, à dire, le beau. Loin de toucher le fond de sa déchéance, mais déjà capable d'exprimer une peine inouïe, ce garçon de bonne famille ayant choisi la voie dure est déjà sans équivalent pour vous foutre l'espoir de jours meilleurs six pieds sous terre. Même quand sa country sonne légère, presque banale : elle a cette profondeur, cette gravité. Elle parle vrai. La poussière ne la recouvrira jamais.

On dira bien, du côté des puristes, que sa musique n'est jamais plus belle que sans les orchestrations un peu Hollywood qu'on peut entendre comme ici. Ces arrangements qui seraient comme un truc en trop, une espèce d'accessoire encombrant... Non : rien n'oblige à opposer les deux approches, studio et live, sous prétexte que l'une serait trop lisse; ou que l'auteur ne contrôlait pas vraiment les choses de la production, était contrarié avec ces histoires d'habillage. Ce serait comme opposer ce disque-ci au plus dépouillé suivant, alors que les deux se suivent si naturellement. Ce sans titre qui sera plus brut... tandis que celui-ci a quelque chose de plus mystique. Et même si on peut bien sûr préférer l'accompagnement d'une guitare seule, force est de constater que ces bouts d'orchestre vintage, qui dégoulinent tendrement, soulignent en beauté le spleen du Van Zandt. Comme des oripeaux dorés sur la folk la plus désolée, en appuyant juste ce qu'il faut l'émotion... En tout cas c'est avec cet habillage-là que j'y suis le plus attaché, je crois. Je l'entends un peu comme un cousin country du troisième Leonard Cohen, un disque avec des chansons d'amour noircies par la douleur - on est dans ce genre de maison. Si vous voyez pas ce que j'veux dire, écoutez-le juste chanter qu'il va bientôt revoir sa douce Kathleen : et venez un peu me dire que les cordes sont en trop sur ce morceau sublime de tristesse pure, un de ses plus beaux à jamais, tel qu'il est ici. Ou osez affirmer que la flûte sur le fantastique morceau éponyme, elle n'est pas à sa place. C'est plus un fantôme qu'une flûte ça, comme cette mystérieuse berceuse de garçon vacher déchu, lure-a-lie-oh, Lorelei oh ? Grandeur d'un western tragique, et magique, spectre de la solitude absolue dans les paysages mangeurs de squelettes, étirés à perte de vue... Pourtant, que Notre Mère la Montagne est belle... et j'ajouterais (parce que c'est de cet ordre de candeur désarmante) : comment peut-on s'imaginer, en voyant un vol de vautours, que l'automne vient d'arriver ?

Paumé qu'on est dans ces moments "poor lonesome cowboy" comme "Like a summer Thursday" et son harmonica terriblement commun, de ceux qui ont traversé tous les jukebox avant de mourir dans la vieille radio cassée d'une bicoque anonyme quelque part dans le trou du cul du Tennessee... Ou encore suivant ce piano et ces violons de vieux drame sixties sur la magnifique "Second's Lover Song". Et ces paroles : "I don't want tears from you". Brutal en toute douceur. Ce Monsieur Van Zandt touche au cœur à chaque coup ici ou presque, même quand il fait mine de conter de la petite histoire. Dans l'émerveillement simple d'une "She came and she touched me" (où sa voix s'envole comme rarement) ou dans la solennité sinistre de "St John The Gambler", à qui il confesse avoir donné son âme. Y a des petites haltes a priori insouciantes, comme "Tecumseh Valley", mais même là, la poisse rôde. Elle est là, même dans les touches de lumière (la guitare sèche plus fleurie de "Snake mountain Blues" puis ce falsetto presque accidentel vers la fin) qui ne font qu'accentuer la force des moments de déprime. Avec la sensation que les choses cruelles de ce monde seront balayées par le vent, diluées dans les grandes plaines... C'est très américain, ça aussi. Un truc plein de dramaturgie américaine, voilà, qui sent l'amour déçu, la contrée désolée, les vies brisées avalées par l'espace et le temps. Tout ça dans une poignée de petites notes blêmes, et cette voix de jeune homme qui a senti venir la faucheuse de loin. Crevant à petit feu en suivant son petit bonhomme de chemin, vissé à ses chansons. Townes Van Zandt est venu, et puis s'en est allé. Une âme abîmée a traversé ce monde de merde, laissant quelques mélodies brutes, pour une éternité d'humains errants... Il s'en passait, des gros nuages noirs, sous ce petit chapeau.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le mardi 18 mars 2025

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pokemonslaughter Envoyez un message privé àpokemonslaughter
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je préfère l'album éponyme, mais c'est du très grand ici aussi. Du Deep America glauque qui fait aussi peur qu'il ne fascine

Message édité le 19-03-2025 à 20:45 par Pokemonslaughter

Note donnée au disque :       
KlaY Envoyez un message privé àKlaY

Un monstre de la folk américaine. Il est tout en haut, vraiment. Pas mon préféré celui ci, je penche plus pour Delta Momma Blues et ses incroyables lives, mais y'a rien de vraiment à jeter dans son boulot. Tout à fait d'accord sur les orchestrations, elles peuvent déranger quand on cherche de la folk pure mais elles font que souligner le talent de compo incroyable de Townes.