Corrosion Of Conformity › Blind

Une aire d'autoroute de Caroline du Nord, par un gras été de 1990. Vous sirotez votre tommy's margarita le cure-dent au bec en regardant passer les nanas, accoudé à votre gros Mack repeint aux couleurs pralinées et humides de Salma Hayek, parce que vous vous appellez Muir, et que c'est dans votre nature d'être un pimp siroteur qui incarne le cool, comme cet oeil avisé pour reconnaître les fâcheux l'air de rien. Tout baigne dans l'huile d'une pause bien méritée, vos burnes sont en plein monologue, et le soleil en plein dialogue avec votre marcel blanc. Et puis soudain, broutebroutebroute trutrut kof kof prooot dans ce paradisiaque après-midi d'insouciance angeline : le gros camion trop lustré pour être honnête de Metallica arrive sur le parking, et fait comme d'habitude un créneau bien propre, bien net, entre deux camping-cars danois. Cette fois-ci, c'est la fois de trop : on a beau être over-the-cool sous son bandana, prélassé comme un honnête homme dans son slip et comme qui dirait en vacances, il y a des choses qui ne passent pas dans le monde par trop laxiste des poids lourds. Ce poney s'invite dans votre haras, et il vous défie sans le dire... Alors, que faire ? Il ne faut jamais, au grand jamais, croire que vous pourriez éduquer le fâcheux porcin par quelques subtiles remarques sur le tue-l'amour intégral de ses manières ! Non : il prendrait le bourdon, et serait capable de sortir un album à la Robert Redford abusivement orné d'un serpent, rien que pour vous pousser à l'homicide. Ce garçon est encore récupérable et vous avez flairé une opinâtreté certaine dans son oeil de courge. Ce qu'il faut faire, le plus fermement possible : en deux temps trois mouvements, vous arrivez à sa hauteur, vous ouvrez la portière, choppez ce chauffeur routier neuneu mais fier de lui par le colback, lui collez une bonne baigne, une fois sonné lui faites boire une gorgée de votre cocktail, lui décollez tous ces stickers Morricone et Lovecraft qui font fuir toutes les gonzesses, lui demandez fissa d'aller raser ce bouc ingrat - en lui rappelant au passage que c'est un pléonasme - et puis vous le refoutez sans autre forme de procès dans son gros camion, si possible avec une petite claque motivatoire sur le cul. "Maintenant roule, pendejo, et que je ne t'y reprenne plus !" Il est à peu près certain que ce demeuré se sentira mieux dans ses baskets après cela, qu'il aura découpé son pantalon de cow-boy bourgeois pour en faire un short prolo des plus adéquats, et qu'il vous enverra une carte postale depuis les super résidences de vacances appelées Jardin du Son, dès que possible.