Vous êtes ici › Les groupes / artistesTTrisomie 21 › Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien

Trisomie 21 › Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien

cd 1 • 9 titres • 34:56 min

  • 1The Last Song
  • 2There's No Trouble There
  • 3Memories
  • 4Pleasure
  • 5The Cave and the Light
  • 6Nightflight
  • 7Is Anybody Home? Part 2
  • 8Is Anybody Home? Part 3
  • 9Your Dream

informations

Attention à la mention "remix" ou "dance/remixed" en LP et CD : pochette quasiment identique, mais il s'agit de la réédition de l'année suivante, avec un son "boosté" et plus marqué synthétique/électronique/techno.

line up

Philippe Lomprez (chant), Hervé Lomprez (électroniques, guitares, voix), Laurent Dagnicourt (basse)

Musiciens additionnels : Jean-Michel Matuszak (voix)

chronique

Lille, cité-dortoir. Interzone-cocon, années quatre-vingt. Nuit, milieu. Nom de groupe d'un goût douteux, peut-être, mais qui marque. On peut y voir une volonté très bête de provoquer ; ou simplement une fascination pour ce nom, sa sonorité. Ou ce qu'il renvoie aux banales angoisses de la normalité, de son inconfort face au différent, à ce qu'elle nomme anomalie, dans cette réalité du monde humain qui elle-même en est une. La cold wave de T21 reflète aussi le choix de patronyme, qui a probablement toujours contribué à la fascination que le groupe a exercé, comme ses visages étranges et pourtant familiers. Il y a un "je-ne-sais-quoi" en effet dans la mixture du juvénile Trisomie 21, qui n'appartient qu'à eux. C'est dans cette singularité que réside la beauté de leur musique, comme dans ces choses qu'elle peut faire d'accrocheuses - en premier lieu ces fameuses lignes de basse qui font "dogodogodogodogodom" avec le tube post-curiste "The Last Song" (emblématique de toute une scène/époque), l'élastico-magnétique "Pleasure", ou l'intro sublime "You Dream" qui donne envie de (re?)devenir chat de gouttière... Car cette musique, si elle use parfois de trames rythmiques fort classiques pour l'époque post-punk/goth rock, est profondément différente. On y entend donc rien d'une stupide provocation, mais tout d'une mélancolie profonde, aux relents d'échappatoire et d'empathie flottante, de voyage mental plus loin que les mondes de Blade Runner ou Dune sans s'extirper d'une cellule aux murs infranchissables. L'évolution possible d'un Joy Division si son leader ne s'était pas suicidé, s'ils n'avaient pas donné New Order, assimilé un peu de new age, et élu domicile dans ce Nord-Pas-de-Calais faisant face aux berges anglaises ayant enfanté la Vague Froide... Avec des "si" on refait le monde, dit-on ? Avec d'autres notes aussi. On imagine un autre monde, jamais téléphoné, à l'écoute de cet album hanté. Un monde étrange, étranger, alien et pourtant terriblement humain, dans lequel rôde une musique underground / culte / oubliée, qui a fait les nuits de pas mal de monde en secret dans ce ventre des eighties, entre dancefloors goths et chambre d'ado déprimé - syndrome de Down, n'est-ce pas ? Avec ce chant malhabile en yaourt bâillé, avec sa propre empreinte, empathique, angoissée, mais comme à la fois lestée et détachée de son angoisse, dans ce bâillement fantomatique d'un spleen candide (on pense à une version tyrolienne-tibétaine de Ian Curtis sur "Is anybody Home? part 3")... Une cold wave différente, humaine mais distordue, difforme, gauche, "mais" pleine d'émotions. Sur des trames sonores entre post-punk délavé et musiques électroniques façon "Jean-Michel Jarre fait un bad trip", déjà subtilement noyauté par les musiques du monde, peut-être au travers d'un Sakamoto ? Les gothiques n'ont jamais été des corbeaux enfermés, non non non, mais des oiseaux ayant faim d'horizons nouveaux - et T21 est le corbeau migrateur qui va aux confins des pôles, du Népal, des steppes mongoles (...), comme il se plonge dans les processeurs informatiques de ce monde du futur en progression affolante (par ex. la proto-FLA "Nightflight", ou l'EBM de "There's no trouble there" avec sa voix déformée de gaufrette indus, sa mélodie hypnauséeuse). Usant au passage de sonorités électroniques UNIQUES ("The Cave and The Light") pour vous faire "triper", dériver, songer. Je ne cesse d'être touché par la simplicité absolue des motifs de T21 - et pourtant cette étrangeté profonde dans leur musique, sa manière de dévier d'une efficacité post-punk pure au profit d'une ambiance, qui se veut indescriptible, source de souvenirs flous, de fantasmes morbides, d'échappatoires dans des contrées lointaines... Et cette basse comme un croquemitaine, qui revient inlassablement. Les conduits résonnent d'un écho obsédant. Le plomb empoisonne le sang. Et dans un coin, à l'abri des regards, Saturne dévore son enfant.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le samedi 15 février 2025

Dans le même esprit, Raven vous recommande...

dernières écoutes

Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien" en ce moment.

tags

Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien".

notes

Note moyenne        6 votes

Connectez-vous ajouter une note sur "Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien".

commentaires

Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Chapter IV - Le Je-ne-sais-quoi et le Presque Rien".

Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
avatar

C'est avec 'Nightflight' que j'ai découverte le groupe en 86...

allobroge Envoyez un message privé àallobroge

Comme tu le dis Richard, c'est au gout de chacun, Elegance never dies m'a beaucoup plus, album dans leur style classique, de meme que "Black label", plus aventureux, mais tout autant appréciable pour bibi, mais je n'attend pas de leur part un renouvellement trop radical, dont ils n'ont pourtant pas hésité à user durant leur carrière.

Note donnée au disque :       
Richard Envoyez un message privé àRichard

@allobroge, c'est subjectif, naturellement, mais je trouve que des albums comme "Black Label" ou le très faible "Elegance Never Dies" ont du mal à proposer un renouvellement. C'est un peu attendu, une peu balisé. Quoi de plus normal lorsque l'on atteint quasiment les 4 décennies d'activité. Mais la fraicheur initiale a laissé sa place à ce savoir faire évident qui exclut pour moi pas mal les émotions, alors que les frères Lomprez (mais ils sont loin d'être les seuls) ont justement prouvé que les machines froides pouvaient en créer des myriades.

Note donnée au disque :       
allobroge Envoyez un message privé àallobroge

Ah moi je trouve qu'ils maintenu ont un haut niveau de qualité jusqu'à présent, ils ont un truc à eux, un talent qui perdure.

Note donnée au disque :       
Richard Envoyez un message privé àRichard

C'est vrai que "The Last Song" emporte tout sur son passage, mais je me suis toujours bien demandé si LE morceau de cet album ne serait pas plutôt en définitive le superbe "Nightflight". Il représente l'ADN Trisomie 21. Ce chant fragile, ces expérimentations électroniques qui percutent la tête et toujours cette guitare acide en embuscade. Les années 80 ont été fabuleuses sur le plan créatif pour les Nordistes. Les décennies suivantes me laissent moins enthousiaste.

Message édité le 23-02-2025 à 17:41 par Richard

Note donnée au disque :