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The Body › No One Deserves Happiness

cd 1 • 10 titres • 47:47 min

  • 1Wanderings
  • 2Shelter Is Illusory
  • 3For You
  • 4Hallow / Hollow
  • 5Two Snakes
  • 6Adamah
  • 7Starving Deserter
  • 8The Fall and the Guilt
  • 9Prescience
  • 10The Myth Arc

informations

line up

Chip King (guitare, voix), Lee Buford (batterie)

Musiciens additionnels : Alex Barton (guitare), Keith Souza (batterie, claviers), Seth Manchester (batterie, programmation), Dan Blacksberg (trombone), Laura Cetilia ‎(violoncelle), Maralie Armstrong, Dylan Walker, Ben Eberle, Kerstin Hern, Reba Mitchell, Chrissy Wolpert (voix)

chronique

Laideur. Magnétisme paradoxal du monstreux, du difforme, qu'on perçoit ainsi parce qu'existe le beau. Attraction des pôles opposés. Oxymore grotesque d'une musique d'horreur et de candeur, dont le contraste violent sert d'armature a toutes sortes de miasmes fascinants. Pochette sombremoche qui m'accueille de sa triste grimace. J'ouvre le digipack. "Une seule personne vous manque, et tout le monde est dépeuplé". Alphonse de Lamartine, peu après que la tuberculose ait fauché sa chérie, me dit Ouiqui Pédiah. Visiblement attribué ici à Joan Didion, si j'en crois les initiales sous la citation. On fera avec. Le titre seul pose une certaine ambiance de toute façon : "PERSONNE NE MÉRITE LE BONHEUR". Si t'avais prévu une soirée pyjama avec les copines en pensant qu'un digipack rose pastel c'est forcément indie-dreampop, va falloir reporter, j'te l'dis tout d'suite.

La chose commence avec des sortes de simili-nonnes qui chantent sur un poum-tchak super lent en plastique sec, qui se cloque assez vite de synthétiseurs et de grosses guitares pas propres... Je suis un peu mal à l'aise, tout en me curant le zen sur c't'intro... Puis je me fait sévèrement asticoter le neurone mélomane par une autre voix, beaucoup moins jolie. Car oui, j'oubliais un élément essentiel et fort clivant, puisqu'on parle de The Body : y a ce drôle de mec qui hurle en fond, mais qui "hulurle" en fait, parce que c'est pas un mec ce "mec", plus un cri oiseau insolite, même si c'est pas vraiment un hibou ou une chouette. On dirait plutôt un coq, en fait. Incontestablement, ce bidule vocal tenace lâche un cri très apte à vous escagasser en deux-deux de l'ex-parigot néo-rural mal accoutumé à son environnement sonore matinal. L'horreur faite gallinacé parasite. Gênant à jamais. Une volaille hystérique du neuvième cercle de l'Enfer, retransmise avec un son digne d'une radio pourrie de la résistance. En plein maquis dans un nulle-part qui ressemblerait à Malevil, ou Stalker.

Et qui va progressivement se garnir de percussions rituelles et pulsations electro sobres et viciées, de guitares qui n'en sont plus vraiment, difformes, entre riff disloqué et drone. Dans une ambiance quelque part entre Dead Can Dance et Jean-Louis Costes. Le chant féminin céleste perdure, le cri du coq inhumain aussi, les rythmiques et les barbelés s'expriment entre. Du coup si ce disque il est un peu relougolo au début, à cause du cri de coq à qui on coupe les pattes que même Mike Patton et Michael Youn avec leur mégaphone (vous aviez jamais fait le lien ? C'est cadeau) ils ont pas fait aussi "cringe"... ben en fait, après un certain temps d'adaptation - ou même sans cela, puisque c'est toute l'idée du malaise, on accepte jamais vraiment ce Cri de Moche - on voit le tableau... et cette merde devient un peu envahissante. On en saisit mieux l'axe maléfique, celui de ces trois éléments qui seraient inoffensifs pris séparément : chant des madonnes, "hulurlement" aigu-débile indescriptible, rythmiques implacables garnies de ronces électriques. Un jeu de contrastes en ce cri volontairement hideux-grotesque dans un signal qui crachote et la pureté d'expression des chœurs féminins virginaux, qui donne un peu la sensation d'entendre des anges cloués au sol se faire chier dessus par quelque affreux démon voltigeur.

Ambiance très spéciale quoiqu'il en soit, fusionnant terre et ciel dans un bourbier aussi organique que synthétique, religieux que nihiliste. Parfois exprimant une force unique dans ses ondes extrêmes, comme l'hallucinante "Adamah", à en faire pipi au lit la Björk la plus expérimentale. Ou cette abominable "Prescience", final digne d'un Scott Sturgis. On pourra donc se torturer le cervelet en débattant en vain du bien-fondé du larsen-coq au chant, du pourquoi du comment : ce sera appréhender par trop d'intellect une véritable aberration musicale, profondément sombre et expérimentale qui, au fond, veut nous projeter au-delà de toutes ces approches analytiques, en opérant au niveau des sensations pures, d'un monde inconnu où les repères sont malmenés, d'abstraction hostile. Et qui est donc d'après ce que j'ai pu lire, selon ses auteurs un peu trolls, ou autistes au dernier degré, leur "album pop". C'est cela oui, mais bien sûr.

Mystique ou profane, illuminé ou souillé, méta-post-post-plus rien à foutre ou pas, nous voici en saut dans l'inconnu avec un album particulièrement obsédant une fois accepté ce gimmick du coq et de la nonne sur cérémonie outre-occulte, à défaut de s'y habituer vraiment - et encore une fois ça a pas été conçu pour, du tout. Car l'essentiel au-delà des rires nerveux, qui se muent vite en gêne et en malaise : c'est bien que cet album est réellement hanté, et finit par vous coller assez sévère, avec sa pugnacité maniaque à lier harmonie et laideur, grâce et immondice, nuages et fange, dans une sorte de rituel sans issue. Vous êtes juste face à vous même, et à l'absurdité de cette réalité, capable de laisser croître des musiques comme celle-ci. Figé dans la fange, face à l'anomalie.

Bon
      
Publiée le mardi 11 février 2025

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    Raven Envoyez un message privé àRaven
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    Voilà c'est aussi ça, l'effet The Body.

    Note donnée au disque :       
    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Ah, crotte ! C'est vrai, où avais-je la tête ???

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    Damodafoca Envoyez un message privé àDamodafoca

    Mais Gulo... tu nas pas besoin d'être rassurer !

    Raven Envoyez un message privé àRaven
    avatar

    "Et qui revendique ne pas être un groupe de metalleux." Ahahah, tu m'étonnes !

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    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Ca n'a pas grand chose de metal depuis... le début, en fait.

    Et j'ai envie de te répondre que si c'est comme ça qu'ils s'amusent, c'est encore moins rassurant ^^

    Message édité le 11-02-2025 à 12:08 par born to gulo

    Note donnée au disque :