Lala &ce › Everything Tasteful

Everything Tasteful – toutes les saveurs et mille bouffées, mille gorgées. Des déferlantes et des filets. L'ambiance, comme ça n'a pas l'air trop stable. L'image se floute ou s'éparpille parfois. Ceux qui n'aimaient pas ça – qui trouvent que sa voix traîne trop et qu'elle mâche trop ses mots, que la prod sent trop l'éther – vont détester plus que jamais. Trouver ça pas classe... On s'en fout ? On s'en fout. Elle s'en fout, elle, je crois bien. De toute façon... Que vous aimiez ça ou pas, Lala &ce balance, envoie les phases, les punchlines et les détours – et pécho plus que vous, qui râlez dans vos coins. Elle accompli plus, aussi, que vous croyez, vous qui n'y entendez qu'autotune et trafics chimiques. Lala &ce tient mieux, aussi, encaisse plus que beaucoup d'entre nous, et vous, et d'autres, ne pourront jamais s'envoyer, absorber.

Everything Tasteful sonne mixtape, sonne sound-system. Quinze plages, dix-sept noms à la rubrique « production ». Des invités qui passent – la famille, pas les rivales et les rivaux. Des machines et des histoires. Une foutue atmosphère, flottante et chargée, la tête en l'air et les corps imbibés. Un disque qui sent le cul, les alcools bruts et les liqueurs parfumées, les parfums cheaps ou luxe, les trous noirs ou les voiles blancs sur une chaise de cuisine, une fois rentré.e.s. Lala &ce quand elle dit Sexe parle souvent de l'organe – Pussy. Elle cause geysers et parapluie. Elle raconte et défile, dévide des histoires de liens et de relations, aussi – bien plus crûment et avec plus de détails subtiles et justes que ne le feront jamais x couplets de variétés prudemment « poétiques », crânement « littéraires » – c'est qu'elle écrit vraiment, qu'elle n'a pas pour ça besoin d'amortir. Pas non-plus celui de sur-emballer pour mieux vendre – elle emballe, on vous dit, mieux que votre « coach en séduction », ce blaireau qui pose devant la glace de la salle après la séance en citant Nietzsche de travers – elle l'a mieux lu que lui, en passant, il y a toutes les chances. Elle deale un truc plus fort.

Elle écoule, ils, elles infusent cette chose diffuse – qui dépose ses nuances aux creux et bosses, angles et vides du décor. Triturent, étalent, imbriquent trap et sons clouds, et d'autres souches synthétisées – malaxent soukouss ou mbalax dans les machines à coder/décoder, couder ou dresser, redresser, couper ou décaler. C'est encore un argot – une entreprise pensée et spontanée (comme on dit de certaines générations) d'hybridation. Pas un mélange : la création d'une substance multiple, complexe mais entière – à part entière. Ça a du goût partout, oui – et du fond. Ici ce sont des bouts de l'histoire – parfois des bribes – qui se rejoignent, se complètent ou se font dos. La S.F. de Solstice (album qui sortira trois ans plus tard, après un Baiser Mortel en collaboration avec Low Jack) n'est pas encore vraiment en place. Toute fiction, pour l'instant, trop affirmée comme telle, aurait une ou deux rames de retard. Elle, Lala &ce ? Elle s'avance au devant d'elle-même. Tout est saveurs. Et toutes les sensations s'attrapent, attrapent en prise directe.