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Thergothon › Stream from the Heavens

cd 1 • 6 titres • 40:50 min

  • 1Everlasting
  • 2Yet the Watchers Guard
  • 3The Unknown Kadath·in·the·Cold·Waste
  • 4Elemental
  • 5Who Rides the Astral Wings
  • 6Crying Blood + Crimson Snow

informations

1992

line up

Niko Sirkiä (voix, chant, claviers), Mikko Ruotsalainen (guitare), Jori Sjöroos (batterie)

chronique

« La tristesse du gros rototo est éternelle » : telles furent les ultimes pensées d’un auditeur échoué dans un album culte de 1994, débordant de vibrations catacombesques, de gargarismes telluriques, de glaire cosmogonique raclée depuis les entrailles du pus le plus chtonien, d’ondes supra-basses qui font frémir le mobilier. « Finlande, ça ressemble à Fin du Monde », grogna depuis son vieux bosquet un être lovecraftien dont le blase renvoyait à une certaine démo dite fondatrice du doom dit funéraire. Car dirait-on que le doom metal était un genre de musique globalement enjoué et véloce, jusqu’en 1991, où les atypiques Thergothon posèrent leur Ftaghn nagh Yog-Sothoth. Et nous voici donc en cette année du grunge fini au fusil de Dylan Carlson, arrivés à rencontrer le degré supérieur d’une certaine expression de ce doom passé de Sabbath à doom death : celle d’un album en forme de début et de fin d’un style, d'un cycle, bardé d’ondes basses, très basses, d'ombres lasses, de rites et messes encore plus obscurs. Une forme d’abstraction, comme cette grosse silhouette de tour sur cette pochette, sur fond de crépuscule. Quand ? Où ? Comment ? Pourquoi ? Peu importe ; la clé ici, c’est d’abord de Ressentir.

Une vibration du fond des âges. Un grondement primordial, signature de temps révolus, à vue de datation au carbone quatre-vingt-quatorze le groove de ce disque date au moins du pré-cambrien. Un lieu où la chiantise absolue côtoie l’ambiance totale… Une force à ressentir dans son être. Une lenteur extrême qui fera des petits par nuées, pour la plupart aussi vains que miasmes. Une richesse insoupçonnée sous ce gros mur morne, et pourtant d’une sobriété d’expression qui confine à l’astre artistique : quelque chose au-delà du réel qui s’exprime dans ce guttural of darkness et ces bâillements fantomatiques, errant autour de ces guitares érigées en tumulus moche et massif. Un lieu sonore truffé de paradoxes en fait… Une production tant décriée, et pourtant évocatrice de temps immémoriaux, de par son aspect fascinant car à la fois totalement lo-fi et extrêmement ample, enveloppante. Un contraste assez prodigieux amené par la rencontre à la fois improbable et naturelle entre deux voix : une claire et lointaine, blanchie, spectrale, mais tangible, un peu comme du Justin Broadrick ; l’autre un grunt/growl traîné plus bas que terre, et collé aux enceintes comme une vieux batracien porcin réduit au grognement primordial. Un son plus que spécial, agglomérant riffs qui n’en sont plus à ce stade, amollis au maximum, batterie qui fait sa vie comme un insecte au coin de la pièce, et greffes de synthétiseur de récupération, aux relents de chimio sur statue. Un son étouffé et sinistrissime dans lequel, paradoxe ou non, la mélodie peut faire son nid, comme en témoigne la dramaturgie métalleuse d’une « Elemental », où les fioritures côtoient une sobriété d’expression pas loin d’être bouleversante. Ce doom provient du trou du cul de la Terre, mais il n’en est pas moins émaillé de moments de pure beauté, où le vrombissement le plus profond s’accompagne de mélodies issues d’un heavy-metal guerrier arrivé en fin de course, ayant combattu et été vaincu, ayant plié l’échine, mangé son cheval et sa merde, traversé les ruines de tout et les mondes désolés pour finir ici, dans un bourbier sans fond où la seule certitude est celle d’une fin, dans l’infini rien. From the Heavens... or From Below.

La tristesse totale est donc là, plus incrustée que l'atome, la monstruosité certainement ; mais l’humanité aussi, la sensibilité pourquoi pas, et pourquoi pas même des bribes de folklore aux relents médiévaux (« The Unknown Kadath in the Cold Waste »), comme un Morbidallica Angel à son dernier degré de solitude cosmique ? Même si encore et toujours c’est le grondegrognement de la désolation qui doomine, pardon, domine, et mine - même si on peut fort bien accueillir ce disque comme une grosse couverture douillette et catacombesque, une sorte de refuge mental, aux allures de tombe avant l'heure. Ce son gronde et gronde profond et enveloppe, traverse la cage thoracique et les chakras… et rassure, étrangement. Tel un brachiosaure ronronnant, dans le monde qui est monde, et qui nous rappelle que l'apocalypse au fond, ben c'est juste un gros prout. Thergothon est là. Là, là… Thergo, là. Un disque profondément sinistre donc, mais aussi indéniablement confortable, dans lequel au creux de l’hiver j’aime à me blottir, emmailloté comme dans une épaisse et odorante carcasse. Condamné à revenir à ce genre de coma éthylique au bord du trou noir, arrimé au giga-rototo cosmique, soudé aux sens, navigant sur l’horizon des évènements, j’écoute encore, rien ne se finit et tout est déjà fini, je croule et je vibre sous les croûtes d’un monde déjà mort, et enfoui.

Très bon
      
Publiée le samedi 8 février 2025

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Note moyenne        8 votes

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Wotzenknecht Envoyez un message privé àWotzenknecht
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Niko 'Skorpio' Sirkiä est un type fascinant (et très sympathique) qui n'a eu de cesse de bosser dans l'UG plus ésotérique depuis.

A noter pour les amateurs de l’ère Thergothon qu'il a réédité la complète de son zine Hammer of Damnation (1991-1996), avec des tonnes d'itw de l’époque en un seul bouquin https://shop.paraferal.com/product/hammer-of-damnation-zine-1991-1996-book-pre-order/

born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

Je vois qu'Unholy est mentionné, et pas de citation de Mojo. Ni de mention de Slow End. Je mets zéro.

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pokemonslaughter Envoyez un message privé àpokemonslaughter
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ahah putain, une thèse sur le doom death ? j'ose pas cliquer

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Fryer Envoyez un message privé àFryer

J'adore Stormcrowfleet que je classe au dessus du Thergothon avec une aura similaire mais encore plus vaporeuse (là où Stream est très terreux). Par contre je suis jamais entré dans le suivant... Les autres groupes auquel je pensais sont sortis bien plus tard et les autres on est plus sur du death doom (Dusk, Winter)

Je suis tombé la dessus sinon, j'ai pas tout lu mais c'est intéressant globalement et tu es cité ^^ https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02274949v1/file/NEUVILLE_Julien_2019.pdf

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pokemonslaughter Envoyez un message privé àpokemonslaughter
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Comme le premier skepticism ?

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