Oranssi Pazuzu › Kosmonument

On rentre dans le dur avec Kosmonument. Prenez le temps de regarder un peu l'illustration, de vous imaginer "être" cette forme presque humaine, chantant, hurlant, toute faite de volutes, de chair illusoire, de rêves et de mirages... ou imaginez seulement être témoin. Car, à moins d'être complètement défracte comme on dit, ce que je ne conseille bien sûr pas, il y a, encore, comme une sorte de distanciation dans leur propos, c'est pas si mal parce que si l'on se laisse engloutir par Kosmonument, c'est possible d'y laisser des plumes, des neurones, de la mémoire, de la vie peut-être. C'est ce genre d'album, ce genre de groupes qui peut, d'une certaine manière nous ramener les pieds sur terre : les réalités sont fluctuantes, les formes s'épaississent mais peuvent tout aussi bien s'évanouir dès le premier clignement d’œil, et demain, qu'est-ce que ça pourra bien être...? Un œuf, une poule, des emmerdements, de l'extase ? Ici, plus vraiment de trace de Grand Guignol, de Grand Cirque, l'heure est vraiment grave, la tonalité est sombre de bout en bout, avec une belle progression dans un labyrinthe peut-être, un petit peu comme si l'on essayait de sortir d'un couloir tout droit alors qu'on est persuadé qu'on tourne en rond et que la panique monte, celle qui fait murmurer au cerveau que nous sommes piégés, que l'on va crever ici, d'asphyxie, parce qu'on ne réussit plus à bien mesurer et contrôler les intersections entre cauchemar total et quotidien fait de marche, de nourriture, d'engueulades variées et de sommeil lourd. Kosmonument est à mon humble avis l'un des jalons de la discographie d'Oranssi Pazuzu, qui, malgré un petit pas de côté avec Valonielu va ensuite persister dans cette engloutissement des poumons et des oreilles par ces masses de notes, de vagues de riffs et d'électronique qui au bout du compte ne feront qu'un tout malfaisant, ne laissant guère de place à d'autres affects que ceux propres aux victimes d'hypnose, d'administration de somnifères, de doses trop fortes de neuroleptiques, de montées trop pentues pour les petits enfants intérieurs qui se mettent à crier en vous et de descentes trop raides pour le futur préretraité que vous souhaitez, peut-être, devenir, un jour, avant la mort...