Cocteau Twins › Blue bell knoll

En 88, j’ai rompu avec Cocteau Twins. Enfin, pas complètement, disons que j’ai cessé d’acheter aveuglément leurs disques ou de demander à des potes de m’en enregistrer (ça se faisait beaucoup alors et ça n’a pas tué l’industrie du disque). Période un peu étrange où j’ai compris que j’étais un goth, pas un new wave… Nous étions pourtant tous d’accord autour de Siouxsie, Cure, Echo and the Bunnymen, Joy Division, Bauhaus ou même The Sisters of Mercy mais quand j’ai amené Christian Death dans l’équation, j’ai senti un froid s’installer et puis le grunge, la techno sont venus emporter beaucoup vers leurs rivages me laissant avec ma passion croissante pour le volet le plus sombre et dur du mouvement. J’avais fait un blocage complet sur ‘Blue bell knowl’, trop léger, trop éthéré, plus assez sombre et terrestre à mon goût et il m’aura fallu près de trente ans pour le surmonter même si j’écoute des choses encore plus sombres qu’à l’époque. Malgré notre réconciliation, je réalise que ce disque marque malgré tout le déclin de quelque chose pour les Ecossais. Après un ‘Victorialand’ tout en nappes fantomatiques, en caresses évanescentes, il marque pourtant un retour au son plus classique du combo et force est de reconnaître qu’il contient de très beaux morceaux, que les ambiances sont là, les chansons s’enchaînent avec fluidité; il dégage une impression de courir et danser dans un champ de fleurs, dans un air chargé de pollens, de vols d’insecte, avec un ciel immensément bleu au dessus de la tête… Certaines parties de guitare sont réellement splendides (‘The itchy glowbo bow’, ‘Cico buff’) et Liz Fraser joue toujours les séductrices en chantant des sonorités de son timbre si particulier. Fort bien mais d’où était venu ce blocage ? Manque d’originalité ? Il est clair que les Ecossais qui n’avaient cessé d’évoluer jusqu’alors se contentent cette fois-ci de reprendre les ficelles de leur style, ce qui n’est pas foncièrement un mal puisque c’est bon. Pourtant, je me souviens nettement de cette impression sur laquelle j’arrive aujourd’hui à mettre des mots: les Cocteau Twins en font parfois un peu trop. Comme si Liz se sentait obligée de sonner plus éthérée qu’éthérée (‘Suckling the mender’), comme si Robin Guthrie se devait de diluer ses sonorités de guitare aux détriments de la mélodie. Ainsi, d’un disque qui démarre bien, on en arrive à opus éprouvant à s’écouter d’une traite, diluant tellement ses sonorités qu’il en perd du corps. Je brosse un scénario catastrophe exagéré mais à mon sens, à trop s’évaporer dans la dream pop, les Cocteau Twins réduisent leurs compositions à un simple exercice, une oeuvre d’art pour l’art, en perdant dans le processus une partie de son âme profonde et pure. Ce n’est pas parce que c’est beau et pur que c’est prenant et si l’écueil est évité cette fois-ci, le groupe va progressivement perdre de sa substance, comme s’il ne présentait plus qu’une enveloppe belle est diaphane mais dépourvue de chair. Certain/es apprécient cet aspect, pas moi. Je me suis réconcilié avec cet opus, l’ai acheté et je tente la même démarche pour les suivants, un peu trop pop à mon goût. Que sera sera...