Je n'aurai jamais mes règles. C'est un fait. Alors je n'essaye pas, je ne prétends pas parler pour les concerné.e.s. Je vois ce disque, cet EP ui s'appelle Syndrome Prémenstruel... J'entends son autrice qui raconte – en espagnol, sur le titre presque éponyme (SPM), tout ce à quoi on coupe, quand on y coupe, à ce flot là. Tout ce dont on ne nous demande pas de nous justifier – alors qu'elle et les autres doivent toujours expliquer, sans fin, comme s'il fallait s'en excuser. Aussi...

Aussi, ceci bien-sûr : ça ne parle pas que de ça, là-dedans. C'est peut-être une manière simple, comme ça d'emblée, de nous dire d'où on parle. Depuis la Suisse – en français ou en espagnol, donc, variante guatémaltèque. Elle y évoque – sur fond d'électronique presque dancehall (ou reggaeton ? Ou – tchick tchick… shatta ?!) mais en variante sourde, mutée – l'angoisse de se trouver dans ce pays riche, dans un corps observé, une peau, des vêtures jugées non-conformes par l'étiquette locale. Sans doute, aussi, il est question de tout ce que permettent ces latitudes. De ce qui tiraille. Il est question du Chez Soit qui peut-être plusieurs, qui peut n'être nulle part où l'on est censé s'assigner. Il est question de colère, de douceur, d'amour, même, de la taille des villes qui ne va pas avec ce qu'on veut contenir et laisser, de ce qui vaut d'être fait et de ce qui devra bien, un jour, nous lâcher ; de l'impossible et du désir, de la lassitude et des aspirations si vastes ; d'interroger plaisir et douleur – « quel goût ça a, quand ça brûle ? ». Il n'y est pas question de séduire – de parader, quels que soient les costumes et peintures faciales adoptés sur la scène. Il y a ce beaucoup-à-la-fois qui déstabilise les vieilles habitudes d'écoute – qui fera râler, laissera dehors ceux et celles qui n'y entendront que « du post ». On est plus loin, au vrai, que ça... Loin – me semble-t-il – de toute posture ironique ou « méta » ». Surtout pas dans le souci de « faire une moyenne » – d'accoler des formes pour faire passe-partout. Au contraire : tout est agencé, combiné pour aller ou ça, ou elle veut. La fluidité pop, synth-pop, le cloud-rap en nuées et beats fractionnés, les voix rêvées et les coups de pression, les nappes et les à-pics.

J'écoute souvent ce disque au casque, en marchant ou dans les transports – à quelques kilomètres de la frontière helvète, tiens, la plupart du temps, puisque c'est là que je me trouve. Je me suis mis à l'aimer vraiment en longeant un chantier – entre une charpente magnifique mais encore pas terminée, et de l'autre côté un lieu associatif, ci dans un ancien hôpital. J'y retourne souvent – à cette musique – comme ça, enveloppé dans le son et en mouvement, plutôt qu'à la maison. Je trouve qu'il isole (des bruits parasites) et connecte (à ce qu'il vaut le coup de percevoir, de voir, de remarquer). Je le trouve bien court – mais aussi que c'est bien ainsi, qu'on ait pas le temps d'oublier, d'un bout à l'autre, tout ce qu'elle y fait entrer, circuler, tout ce qu'elle ouvre et ferme. Elle dit Fin du Monde, tiens, sur une plage – mais ça raconte, je crois, un moment suspendu, un soir tendre avant d'y retourner. C'est bien, au fond, cette brièveté. Ça permet d'être ailleurs et de rester à portée.