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Azurite Sun › To Lift The Curtains Of Darkness

k7 • 2 titres • 37:24 min

  • 1Solem 15:37
  • 2The Great Frost Carnival 21:47

informations

Anotyne Nouel : mix for Solem Cyril Meysson : mastering for both tracks

line up

Léa Thirion (Azurite Sun) : composing, recording, mixing on "The Great Frost Carnival"

chronique

  • mélopée / drone vitreux / acousmatique

Quand on voit un musicien, une musicienne – ex-leader ou non – s’émanciper d’un groupe pour faire cavalière seule, il y a toujours une petite appréhension. Que vaut l’alchimie entre soi et soi-même, après tout ? Et que faire de sa liberté ? Plus prosaïquement, en tant qu’auditeur, a-t-on la foi pour brouiller ses repères, et ne pas trop cligner des yeux pour bien voir le moment où l’étincelle va ricocher dans une direction ou l’autre ? Du groupe initial de Léa Thirion, ordonnatrice du projet Azurite Sun, je n’étais pas le plus grand fan. Pas plus que je n’étais fan du style indie-math rockeur pratiqué. T-Shirt, que ça s’appelle. Alors, Azurite Sun, le projet de la chanteuse-guitariste dudit groupe indie ? Presque rien à voir. Voiles mises direction Mare Incognita, adieu la terre, ground control to Major Tom, tout ça... Allez, on dira que la musicienne a gardé du côté très appliqué et soigné du groupe T-Shirt un côté délibérément ouvragé, presque précieux, au meilleur sens du terme. Ici chaque son a été ciselé, sans hiérarchie, de la note tenue d’orgue la plus impure au reflet de cordes le plus cristallin.

Solem, qui occupe la face A, semble lever le voile sur une continuité dont le flot précède notre arrivée. Solem comme « Soleil », ou pourquoi pas comme Solemnité. C’est l’air de rien un très, très grand titre, au relief liquide assumé, qui se situe sur le registre du parfum plus que du goût. Un parfum capiteux, dont la formule semble toute entière dans ce bourdon introductif, note tenue impure d’harmonium donc, mais aux nombreux changements de lumière, jusqu’à un moment pivot que je vous laisse découvrir... Peu de morceaux, même plus minimalistes, offrent un apaisement aussi total, une teinte aussi introspective, épousant n’importe quelle humeur ou émotion. C’est à la fois la joie de l’immobilité et la suspension du temps, aidé par l’incroyable délicatesse de ces vocalises doublées, aussi faussement maladroites que vraiment enivrantes. Le clip rococo-VHS lève le doute, avec un petit pincement : ce ne sont pas des ghoules mais la voix de Léa Thirion. Un drone, des voix, des modulations aussi légères qu’une plume au milieu du morceau : il n’en faut pas plus pour être ailleurs, et ailleurs on est. Mais à l’abri, dans une pièce plutôt rassurante, à l’éclairage pacifiste, possiblement à base de bougies... En face B, on sera au grand air, à 360°, dans un écoulement du temps bien différent. The Great Frost Carnival, dit le titre. Non, fans de Satyricon, ce n'est pas votre groupe préféré, mais restez quand même.

Une pièce comme celle-ci, pour l’auditeur qui refuse à s’infliger une écoute analytique, est tout entière dédiée aux tâtonnements et au plaisir de la découverte. Découverte, ou confirmation, que l’art des transitions fluides peut à lui seul incarner, absorber, transcender le concept de composition, et donc la forme de la musique. En refusant toute forme cyclique mais en instillant l’air de rien une sensation de crescendo-decrescendo, avec les plaintes du violoncelle en guise de lever (et chute) de rideau, The Great Frost Carnival échappe totalement au carcan invisible de la musique cérébrale. Bandcamp nous dit que la compositrice s’est prise de passion pour Orlando de Virginia Woolf (et son pendant cinématographique de 1992), mais si une chose semble commune aux 2 pièces, c’est l’impression d’avancer vers l’inconnu, de faire du trouble initial une sorte de fuite en avant improvisée, même si dans les deux cas, le travail derrière est visiblement méticuleux. D’abord un trouble, un drone presque vocal, assez charmeur dans son côté farouche et flippé, puis une phase d’ouverture lumineuse, déployée en vitraux sonores, avant toute une odyssée franchement indescriptible... sachant que l’œuvre a été conçue pour une écoute en acousmonium, expérience qui va bien au-delà du tropisme « 2 oreilles = 2 enceintes » dont dépend l’écoute domestique et en concert. Et la fin invoque une possible décrépitude, mais non sans avoir connu l’intensité, ou plutôt Les Intensités. Mais c’est un peu bête d’interpréter comme ça une pièce aussi spatialisée, car lors d’une écoute en acousmonium, ce n’est vraiment pas d’imagination dont on a le plus besoin, mais d’attention et de présence. Une chose est sûre : le mérite d’un tel tour de force, et a fortiori associé à un groupe parfois assez poppy, c’est de poser d’emblée l’absence de limites au champ des possibles. Ce qui était effectivement bien en jeu dans l’idée de Virginia Woolf de présenter un individu changeant de sexe...

Plus que l'ouverture de l'horizon, bien palpable dans ces 20 minutes spacieuses, c’est le côté passe-muraille qui frappe, aux réécoutes. La perception, dans cette clarté de midi très blanc, de la parenté organique entre drones, bruits, accords, mélodies, vibrations, et de la même énergie qui les sous-tend. Et là encore, l’idée à l’œuvre de ne pas faire de hiérarchie entre tout ça, ce qui mène à un autre type d’écoute. Azurite Sun avait déjà sorti une 1ère K7 très confidentielle en 2020, de piano Satie-esque méga-dépouillé. Aujourd’hui, c’est cet attelage inédit, créé en partie dans un studio d’acousmatique... Demain, qui sait ?

Très bon
      
Publiée le vendredi 17 janvier 2025

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