‘L’intensité de Joy Division’, m’avait-on affirmé… Effectivement, un Joy Division punk et décharné jusqu’à l’os… Trois ans d’existence à peine auront suffi à Before pour s’inscrire au panthéon du post-punk danois avec un album unique qui reste à ce jour l’un des étalons du genre au pays de Hamlet et on comprend pourquoi à son écoute. Si le groupe a pu être punk à ses débuts, il n’en est déjà plus rien lors de l’enregistrement du disque. La musique repose sur la rythmique, tribale, dépouillée, et le chant, complètement habité, tendu, rageur, écorché, pour instaurer une tension noire, torturée, dans laquelle la guitare va infuser ses lignes maladives et sèches, de manière suggestive ou sauvage selon les moments. Les musiciens sont remarquables de cohésion comme chez les Macuniens (avaient-ils connaissance de leur existence ?), chacun assure sa part au service d’un tout, avec des orchestrations vraiment impeccables. Before n’est pas qu’une question d’intensité, d’ambiance, les mélodies sont simples mais excellentes, Fritz Bonfils vit tellement ce qu’il chante que son timbre habite totalement l’espace que lui assurent les autres instruments. Les Danois surprennent même avec une ou deux pièces différentes, ainsi ‘The valleys of peace’ qui évoquerait davantage les interludes vocaux dont Jim Morrison truffait certains concerts des Doors ou un ‘Sister Culture’ inconsciemment triste derrière des lignes de guitare plus claires (plus hivernales aussi) enrichies de violon et de clavier. Tolstoy a un jeu de basse moins agressif que Peter Hook, plus proche d’un Jean-Jacques Burnel mais il sied justement à cette atmosphère de désespoir retenu caractérisant les morceaux du groupe. L’ai-je précisé ? La version cd est indispensable car ajoutant en bonus les deux singles du groupe, avant et après, montrant une version brute et danoise de Joy Division se muer en une formation cold wave plus subtile mais tout aussi dramatique. Qui sait ce que seraient devenu ces jeunes gens s’ils avaient perduré mais il est certain que voilà une formation trop injustement méconnue… Une forme de lien manquant entre Joy Division et Bahaus un peu habité par l’esprit de Morrison. Fa-bu-leux !