Un an après avoir pondu un album étalon du renouveau rock argentin sous influence new wave, Soda Stereo vont s’engouffrer encore davantage dans cette voie-là. Plus d’hésitations, les percussions claquent, le son est dépouillé, froid, l’électricité des guitares bridée pour leur conférer des sonorités cristallines; avec quelques lignes de synthé et la voix de Gustavo Cerati parfaitement adaptée au genre avec son mélange conquérant/plaintif, le groupe est outillé pour remporter l’adhésion. C’est toute la philosophie d’une certaine pop latine qui est ici passée à la production new wave permettant au trio de questionner le rapport entre modernité et tradition, le besoin d’amour dans une société nouvelle au coeur synthétique, une forme d’inquiétude face à la technologie. On ressent une bonne dose de fougue juvénile (‘Si no fue por’ où se devinent des restes de goût ska mais avec un son plus chromé, 'Danza rota'...), un zeste de colère mais aussi une certaine mélancolie ainsi sur l’excellent ‘Cuando pase el temblor’ fausse dub new wave aux lointains accents andins mais qui, à l’image de son clip (le groupe visages blafards, cheveux crêpés, manteaux noirs et chemises chatoyantes, errant dans un pueblo en ruines en plein désert), évoque un certain spleen. Les mélodies sont parfaitement affutées pour une accroche pop mais comme les artistes ont le sens du détail, on réalise vite la richesse des arrangements. Le début du très bon ‘El cuerpo del delito’, par exemple, limite agressif dans son attaque franche et claquante hésitant soudain avec quelques accords de clavier avant de glisser vers un refrain où pointe une légère tristesse; le jeu de basse est d’une redoutable précision, le chant aussi. ‘Estoy azulado’ débute avec un saxo plaintif avant que la chanson n’enchaîne par des rythmiques hachées avec basses slappées pour finir en un refrain conquérant. On pourrait signaler aussi le magnifique ‘Observandonos (Satélites)’ qui pourrait sonner comme de la pop n’était sa production new wave agressive, robotique et dansante. Le combo sait tirer le meilleur de sa tradition (le jeu de percussions) et la froideur de ses guitares. Parlons-en d’ailleurs, elles sont magistrales sur ‘Imagenes retro’ ou 'Ecos' et pourtant sur aucun titre, Soda Stereo ne cherchent à flatter dans le sens du poil. Comme chez beaucoup de formations wave hispaniques des 80’s, ils privilégient des rythmiques d’emblée dansantes mais jamais fluides, souvent hachées, la mélodie est suggérée au travers des lignes de claviers, l’impression finale étant confirmée par le chant. Cerati confirme sa position de vocaliste charismatique qui a des choses à dire, un peu comme Viktor Tsoi en Russie à la même période. Logiquement ou paradoxalement, le choix de cette production ouvertement new wave permet au disque de bien tenir le test du temps tout en affirmant la patte latine de Soda Stereo par rapport aux groupes européens. Si le premier opus était largement prometteur, celui-ci est le travail de la confirmation tant musicalement qu'au niveau des paroles, plus profondes. Indochine auraient pu s’en inspirer, pauvre France...