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Gojira › Terra Incognita
- 2001 • Gabriel Editions 24G001 • 1 CD
cd 1 • 14 titres • 66:46 min
- 1Clone
- 2Lizard Skin
- 3Satan Is a Lawyer
- 404
- 5Blow Me Away You (Niverse)
- 65988 trillions de tonnes
- 7Deliverance
- 8Space Time
- 9On the B.O.T.A.
- 10Rise
- 11Fire Is Everything
- 12Love
- 131990 quatrillions de tonnes
- 14In the Forest
informations
line up
Joe Duplantier (guitare, voix), Christian Andreu (guitare), Jean-Michel Labadie (basse), Mario Duplantier (batterie)
chronique
Pochette sobre aux couleurs Guts of Darkness, image d'homme prostré, évoquant avant l'heure certains des futurs paquets de cigarette customisés par l'OMS menaçant le fumeur insouciant d'impuissance, titre qui sent le sarouel et la bio-coop. Son métallique immaculé, impeccable, impressionnant pour qui aime les grosses guitares en métal hyper-brossé. Et la syncope. Sensation de froideur mécanique, de dureté hyper-calibrée. Chant polymorphe, mais impression de linéarité - écrasante... Qu'on soit sensible ou pas à ses thèmes et techniques, Gojira est déjà une singulière entité. Composé après un isolement de deux ans dans la forêt pour renouer avec la nature, dans un brutal accès de luddisme, ce premier album des écolos-métalleux a été élaboré avec un esprit jeune mais affûté, celui du curieux Joe Duplantier. Un premier album non pas vert comme tant, mais longuement mûri. Cela s'entend. Se ressent. Dès l'instable et inconfortable "Clone", on peut même parler de psychorigidité et de froideur, tant le son de Terra Incognita est austère, malgré tout le groove metal qu'il charrie. Ce groove refuse d'être groovy. Il y a quelque chose d'une violence aveugle et sans affects ici, du grunt sans haine aux plans machiavéliquement abscons. Sans pose, sans romantisme. Quelque chose des forces telluriques qui s'expriment, frappent la chair sans relâche. Cette musique d'hommes effrayés par l'évolution technologique, est à dessein imprégnée de maîtrise technique et de plans contrôlés à mort, comme une réponse des forces de Gaïa au caractère consommateur-destructeur des populations humaines. Le groupe porte assez bien son nom de mutant radioactif revenu punir notre espèce. Citoyen du monde capitaliste : Gaia a le seum contre ta croissance incontrôlée, elle te lance des gros cailloux, déchaîne les éléments contre tes artefacts. Et si ceci s'exprime avec de l'électricité bien de chez EDF, n'y voit pas paradoxe, mais ironie cruelle... Je n'ai jamais réussi à vraiment m'intéresser à ce qu'ont sorti Gojira ensuite, à cause d'une sensation d'impossibilité de relation fructueuse, de groupe réservé à une catégorie de métalleux, le genre à préférer la guitare électrique à tout autre instrument et à donner des cours de théorie musicale, avec des têtes de Satriani... mais ce qui est sûr, c'est que je reste un peu pantois devant la richesse et la puissance tranquilles de cette première œuvre. Devant le mur de guitares de la psychopathique "Lizard Skin", le nu-metal gris mat de "Satan is a Lawyer", l'interlude "04" comme un Philip Glass réduit à six cordes étouffées dans un monde entre Blessed are the Sick et Ænima, l'énergie roborative de la machine à pogo "Blow me away you", ou ce chant quasi High on Fire sur la dissonante et fascinante "Space Time". Il y a quelque chose d'une intelligence supérieure à l'œuvre ici, quelque chose de plus subtilement lovecraftien que chez leurs maîtres Morbid Angel. Terra Incognita est donc bien plus qu'un brouillon de jeunesse : c'est un album réfléchi, travaillé, et surtout extrêmement difficile à décrire, car si on peut le lier sans problème à plusieurs groupes (Morbid Angel donc, mais aussi Sepultura, Meshuggah, SUP, Fear Factory, Strapping Young Lad et j'en passe) il semble jouer dans son propre monde, isolé de tout. Noueux, trapu, replié sur lui-même à l'image de sa pochette, dans une noire méditation. Introspectif. Je vois ce disque comme une masse opaque et autistique, puissante et abstraite. Et s'améliorant en avançant : sur sa dernière partie, elle se déleste des plans outre-chiadés et pénibles, pour égrener des morceaux de rock noir, relevant davantage du metal alternatif ou d'un post-hardcore maladif que de manœuvres technico-métalleuses - écoutez juste les trois derniers morceaux très underground, dont cette fantastique "1990 quadrillions de tonnes" hantée par divers râles et cris, pour piger en quoi Gojira n'est peut-être pas exactement ce groupe "sympa et pro" qu'on voit grandir dans les médias depuis ses débuts. Mais qu'il porte ici, dans sa genèse, un truc lourd, complexe et vénéneux. Quelque chose qui ne s'est pas pleinement exprimé, mais qui gronde en profondeur à travers les strates et les décennies. Depuis une terre inconnue.
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- Rastignac › Envoyez un message privé àRastignac
Premier contact avec ce groupe. Avec la démo Indians. Dense et lustré comme une belle bagnole, avec une aura malfaisante comme il faut. On les avait vu dans ces années là en première partie de Morbid Angel. C’était au final bien mieux que Morbid Angel (au temps du retour du Vincent latex). Ensuite, l’affaire fut lâchée, le potentiel bad trip headbanger ayant disparu malheureusement…
- saïmone › Envoyez un message privé àsaïmone
Tout ça est très juste, une promesse jamais réalisée, un potentiel jamais totalement exploité, hormis celui du catchy toujours plus sepulturé. La vraie carrière de Gojira c'est un best of. "Love", putaing, les vieux se rappellent que cet album était rangé dans les chroniques "démo" des magazines alors que ça mettait la branlée, en terme de prod', à la plupart des gros bonnets sur leurs gros labels avec leurs gros billets (c'était avant le home studio). J'avais interviewé le groupe pour No Brain No Headache avant d'arriver sur guts (prend ça dans ta gueule, cheveu blanc), dans leur bus, façon coca saucisse. Qui aurait crû à cet avenir improbable ? "le fruit du travail"... Déjà un peu de droite, donc...
- Note donnée au disque :
- moustache › Envoyez un message privé àmoustache
J'en avais bouffé de cet album à l'époque. Vu plusieurs fois en concert et chaque fois c'était PUISSANT. Par contre j'avais moins accroché au suivant et complètement délaissé la suite. Mais c'est un groupe que j'ai toujours trouvé sympathique, se tenant plutôt à l'écart des clichés Metal. Et je trouve qu'il mérite bien leur succès, aussi surprenant soit-il.
Au passage je tiens à signaler que Gabrielle Duplantier, la frangine dans l'ombre de ses frangins donc, est une super photographe qui mérite largement qu'on se penche sur son travail ! Elle a signé cette pochette et faisait leurs photos promo à l'époque il me semble. EDIT : Et d'ailleurs j'ai jamais compris pourquoi ils n'avaient pas continué de travailler avec elle pour leurs pochettes d'albums, qui sont quand même assez vilaines dans l'ensemble...
Message édité le 03-12-2024 à 19:50 par moustache
- Note donnée au disque :
- Hallu › Envoyez un message privé àHallu
Celui-ci est sans aucun doute leur plus sombre, très très noir. Pas grand chose d'écolo/nature là-dedans, sauf peut-être les paroles. Mais le son est extrêmement froid, et pose les bases de Gojira. Double pédale à fond la caisse, gros breakdowns, changements de rythme dans tous les sens. Une groupe taillé pour le live, après cet album ils seront les chouchous du sud-ouest de la France. Mario Duplantier n'est pas encore aussi précis que sur les albums suivants, mais il est déjà très inventif. La classe sur cet album c'est les quelques riffs en guitare clean qui rajoutent une ambiance assez unique. Des pinch harmonics à gogo aussi, c'est ce qui fera la marque de fabrique du groupe, et qui sera repris ensuite par tellement de monde, surtout le deathcore aux US. Je pense que ce qui a fait leur succès c'est cet énorme mur de guitares, maîtrisé de bout en bout. C'était très nouveau pour un groupe de métal français d'avoir un son aussi puissant qu'un groupe de death américain. Et en live, y avait pas une erreur. C'était ultra carré, avec le désormais classique solo de Mario au milieu du set. Ça m'a fait marrer de voir ces youtubeurs américains tout à coup "découvrir" Gojira à la fin des années 2010. Ça les a scotchés de voir des riffs si "différents" de leur deathcore chiant de l'époque: dissonant, à structure variable. Amusant, alors qu'à ce moment-là Gojira était déjà passé à des riffs et structures beaucoup plus simples qu'auparavant. C'est d'ailleurs ce qui m'a fait décrocher du groupe. Un titre comme "Stranded" par exemple je trouve ça très bof.
- Note donnée au disque :