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Sulfur › Delirium Tremens

cd 1 • 16 titres • 48:33 min

  • 1Delirium I
  • 2Undertowed
  • 3Water Song
  • 4Doctor Victor
  • 5Delirium II
  • 6Revolution
  • 7Fantastic Shot
  • 8Seeing Red
  • 9Sister
  • 10Delirium III
  • 11Knukkles
  • 12Toads Flamenco
  • 13Ballad of Azalea
  • 14Delirium IV
  • 15Black Maria's Ride
  • 16Nova Sangre

informations

Illustration de David Ouimet.

line up

Michele Amar (chant, claviers, scie musicale, samples, programmation), David Ouimet (trombone, melodica, chant), Norman Westberg (guitare), Tony Corsano (batterie, percussions) Fiona Doherty (basse), Nick Heathen (piano, samples), Dan Joeright (batterie), Heather Paauwe (volon)

Musiciens additionnels : Amir (flûte), Neil Benzra (percussions), April Chung (violon), Jim Colarusso (trompette), Yuval Gabay (batterie), Paula Henderson (saxophone baryton), Shoyo Iida (guitare), Tokie Koyama (basse), Paul Nowindski (contrebasse), Jojo Mayer (glockenspiel), Yuri Zak (accordéon)

chronique

Si je ne d'octeur, la mission profonde de ce site est de faire découvrir des musiques originales, différentes. On a tendance à l'oublier, moi le premier, une bonne dose d'anormalité est alors toujours bienvenue pour remettre les pendules molles à l'heure. Parlons donc d'un obscur album de 1998, singulier à souhait. La micro-galaxie Cop Shoot Cop & Co a accouché de quelques œuvres qui pètent des scores d'originalité indécents, hélas oubliées comme de vieilles peluches borgnes au grenier. Delirium Tremens est l'un de ces albums, manigancé sous la houlette de l'étonnante Michèle Amar (qui les a larguées depuis un bail vu son drôle de parcours), aidée par son nom moins étonnant compagnon David Ouimet, charriant avec lui sa flopée d'ex-Motherhead Bug, et un Norman Westberg ayant tout juste quitté les funérailles de Swans. Une belle troupe de saltimbanques, dont la musique sera destinée au secret d'initiés. Soufflons sur la poussière. Réveillons les sorcières.

Que voici un disque déjà pas banal à l'œil, qui nous plonge d'emblée dans sa pochette en commençant dans l'ambiance d'un manège hanté, d'un cirque surnaturel digne d'un Theodore Sturgeon... avant que la voix férocement expressive de Michèle Amar ne vienne implorer le mauvais œil, et que Sulfur bien vite ne se caméléonise en imprécations vaudou, sarabandes manouches et parades latinos. Et ne nous fasse piger aussi pourquoi ce titre d'album sur la rythmique fracasse-gueule d'une "Water Song" ou la fanfare cartoonauséeuse d'une "Doctor Victor", en prolongement direct des défunts Cop Shoot Cop. Une armature rock, OK, mais d'abord profondément percussive, truffée de cuivres saillants (pachydémoniaques sur "Black Maria's Ride"), et avec tellement d'instruments de bazar de cauchemar clinquant et de voyages-sortilèges, qu'on en a un peu le vertige, excité, stupéfait, et tout le tremblement - comme ça ça fait lien avec le titre, tiens ; même s'il est inspiré par l'ambiance post-éthylique qui suivit le beau bordel bien arrosé Zambodia, à en croire les dires de Ouimet, à son écoute on se sifflerait volontiers toutes sortes de mistelles, ratafias, de ces vermouths mystérieux qui mélangent foultitude de plantes, racines, principes actifs, touillés avec amour dans le chaudron, comme ces sons sauvages par des musiciens aventureux. La voici la voilà, la créativité façon fanfare folle des nineties en action, la flamboyante fusion ! J'en ai les amulettes qui tintinnabulent. Un ras el-hanout magique taquine les vibrisses de mon chat empaillé, qui a bondi de son socle, ranimé par la danse des gitanes et des démons sous la Lune - pleine, comme une outre. J'entends scintiller la cérémonie du Soufre, et sens calancher ce qui reste de ma vie diurne sous les assauts d'un festival maléfique.

On dirait bien en musicologue bourrin que Ouimet a amené les épices "musiques non-occidentales" et Westberg cette saveur "rock indus" notamment avec sa guitare bien raboteuse, mais ça n'a bien sûr pas été aussi simple, et l'alchimie de tels albums ne se résume pas à une bête addition de talents. Delirium Tremens est quoiqu'il en Route de la soie un beau foutoir multi-culturel, multi-mondes, multi-rêves, moult-y-passe, toujours dominé par la voix aux intonations revanchardes de miss Amar, étau vocal ou liqueur violente.

Une sorte de pendant riot grrrl de Cop Shoot Cop, ou une Harley Quinn de la scène alternative années 90, pour faire dans la sale formule facile, mais qu'on serait mal avisé de réduire à un rôle de Jim Thirlwell ou Nick Cave au féminin (même si l'influence est évidente) - ce grandiose "Flamenco des Crapauds" seul suffit à nous en convaincre, de la parade chatoyante à la sentence maniaque. Ou cette "Sister" aussi dangereuse que du Cranes ayant bouffé du tribal au p'tit dèj', avec consonnes qui claquent à la clé. Ou encore la monstru-impétueuse "Revolution", prouvant une singulière aptitude au crooning. Bien plus que la fifille fofolle ou la muse imitatrice, Michèle est une prestidigitatrice prédatrice au caractère bien trempé, assez expressive pour se percher sur cette étrange musique, nomade mais bien folle, qui flanque trois tonnes de couleurs dans le sombre et l'expérimental. Une fée-démone en transe, dont les syllabes hargneuses sont appuyées maniaquement. Cette nana chante un peu comme si elle nous enfonçait ses pouces dans les yeux. C'est douloureux, mais ça incite à mieux écouter. Cette voix façon adolescente sadique en saoulera à coup sûr certains, mais elle contribue indéniablement à la personnalité et l'ambiance de ce disque, uniques, puissantes, précieuses. "Give me a minute of your precious time - just like that". Alors tournez manège ! Tournez, tournez, jusqu'à la nausée, jusqu'à vomir cette fade réalité.

Très bon
      
Publiée le lundi 2 décembre 2024

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Note moyenne        3 votes

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

Il est vrai que tout ce qui fait ce disque devrait en faire un truc au-delà du too much, et que pourtant il captive impitoyablement et sans mélange. Il est également vrai qu'on ne pense pas assez souvent à l'écouter. Harley Quinn ? Pas faux, bien vu.

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