‘Seance’ est un disque énigmatique de The Church (n'est-ce pas une lapalissade avec ces gens-là ?), peut-être en raison de son étrange pochette et sa geisha macabre que même le rose ne parvient pas à rendre moins fantomatique; j’ai même pu lire qu’il s’agissait d’un des essais les plus sombres des Australiens… Sombre ? Je ne sais pas, obscur assurément, comme si le groupe tentait d’incarner le chaînon manquant entre le Velvet Underground, R.E.M. et le New Order des débuts (c’est flagrant sur ‘It dosent’ change’ qui n’aurait pas dépareillé sur ‘Movement’). Un élément certain en ce qui me concerne, The Church n’est pas un groupe que je peux grappiller au hasard sur l’Ipod si je ne suis pas d’humeur, j’ai besoin d’être dans une optique The Church. Si je le suis, la magie opère sans problème, je me laisse happer par cette étrange nonchalance arty capable d’évoluer imperceptiblement du gris au noir en passant par des dégradés de blanc. L’entame de l’album ne propose rien dont on pourrait se méfier justement, c’est le son typique des Australiens à leurs débuts, du rock sans doute mais avec une production froide, dépouillée. Bien sûr, le mal nommé ’Electric’ sonne mélancolique, le genre de truc parfait à écouter lors d’une promenade nocturne sous un ciel étoilé avec cet étrange sentiment craintif qu’on est peu de choses dans cet univers, sentiment plus palpable encore sur ‘It’s no reason’ sonnant carrément comme un hit pop mais voilé d’un tel spleen qu’on le croirait en fuite d’une quelconque reconnaissance (‘There’s no reason to be sad’, tu parles !)... Sans crier gare déboule juste après l’une des mes chansons favorites du combo: ‘Travel by thought’. Changement de climat plutôt brutal avec batterie tribale, guitares deathrock, chant quasi psalmodiant dans son halo de réverbération, bribes de ‘La Marseillaise’ en bonus (si si). Jouissif il va sans dire, l’une de ces surprises dont The Church nous gratifient parfois sans qu’on comprenne bien pourquoi mais cela contribue au charme. Puis, comme si de rien n’était, on replonge dans les atmosphères Lou Reed version papier glacé (‘Disappear ?’), R.E.M. givre matinal (‘Electric lash’), il y a même un peu d’harmonica tristounet sur ‘Now I wonder why’… Et alors qu’on s’était replongé sans méfiance dans ce rock arty nuageux un peu dandy, arrive la conclusion sous la forme du magnifique ‘It doesn’t change’ qui incarnerait un pendant lumineux de Joy Division avec toute la contradiction qu’exprime pareille formulation. ‘Seance’ est un disque à l’apparence d’ombre qui s’avance avec majesté et lenteur sans accorder de regard à qui que ce soit, il faut emboîter le pas ou tant pis. Intimiste, sombre, lumineux mais rien n’est contradictoire chez The Church…